Le transperceneige 6. Extinctions Acte 2

L e plan des Apocalypsters a fonctionné au-delà de toutes espérances. La conjonction des sabotages infligés aux centrales nucléaires et des particules disséminées dans la haute atmosphère ont initié une chute dramatique de la température à la surface du globe. Le monde se transforme lentement en piège glacé. Les éco-fanatiques, menés par Marcio, se confinent dans leur arche : un silo aménagé qui leur permettra d'attendre que les effets du cataclysme qu'ils ont engendré s'estompent. Ils pourront ensuite repeupler une Terre purifiée. Mais, rapidement, le fanatisme de leur leader le pousse à tout remettre en cause.

De son côté, le Transperceneige du milliardaire Zheng a entamé la tournée de ses points de rendez-vous pour embarquer les détenteurs d'un billet. Mais au fur et à mesure des étapes, l'initiateur de ce projet fou d'arche roulante voit son utopie s'effriter devant ses yeux. Au dehors, c'est une cohue indescriptible, empêchant l'accès aux wagons. Et, déjà, parmi les passagers, des voix s'élèvent pour remettre en cause le modèle de fonctionnement strictement égalitaire mis en place dans le train. D'étape en étape, il faut adapter le trajet pour éviter des zones déjà mortes. Cela complique encore la tâche de ceux qui tentent rejoindre le convoi. Parmi eux, Jimmy et son père qui essayent de rallier le prochain arrêt, traversant des Etats-Unis dévastés où la barbarie refait surface.

Ce deuxième acte des origines du Transperceneige explore les derniers soubresauts de l'Humanité. L'effondrement est en cours et rien ne semble pouvoir l'arrêter. L'univers initialement imaginé par Jacques Lob n'a jamais été optimiste. Le récit originel était plutôt une fable sociale qui utilisait le contexte du convoi ferroviaire traçant sa route sans autre but que de continuer à avancer, coûte que coûte, pour servir de révélateur aux maux de la société. Ce préquel n'a plus besoin de ce prétexte et s'ancre indubitablement dans la réalité. Nous sommes passés de la dystopie à l'anticipation. Ce n'est pas encourageant. La noirceur n'a jamais été aussi présente que dans ce dernier cycle. L'état du monde n'inspire lui-même pas beaucoup d'espoir et ces planches entrent étrangement en résonance avec l'actualité.

Au fil des pages, les auteurs décrivent un monde agonisant. Les trois arcs narratifs sont habilement menés, portés par le dessin incisif de Rochette. Les couleurs de José Villarrubia accentuent encore l'aspect mortifère de cette lente marche vers la mort. Il faut aussi noter que le scénario commence à intégrer des éléments suggérés dans l'album fondateur de 1982. Il est dès lors évident que l'ultime épisode sera encore plus sombre. Avec Extinctions, Rochette boucle le périple entamé il y a près de quarante ans et force est de constater que l'univers qu'il a développé depuis L'échappé est d'une cohérence remarquable. Il compose une fresque magistrale.

Moyenne des chroniqueurs
8.0