Les maîtres des îles 2. Martinique 1847

M ilieu du XIXe siècle, Eliza vit avec père et grand-père sur une plantation en Martinique. La demoiselle rêve de moderniser la sucrerie familiale pour un faire une rhumerie moderne « avec des grosses cuves de métal et toute cette vapeur », mais elle est confrontée à l’immobilisme patriarcal et, surtout, au manque de fonds. Pour trouver le financement nécessaire à son projet, elle est déterminée à épouser Paul, son cousin, qui l’aime éperdument et pour lequel elle ne ressent rien.

Dans ce deuxième volet des Maîtres des îles, Stéphane Piatzszek présente une femme en avance sur son temps. Une gamine prête à défier l’autorité et à offrir son corps aux Noirs. La galerie des personnages permet de circonscrire les enjeux sociopolitiques de l’époque : un patriarche attaché à ses privilèges de Caucasien, un affranchi qui se fond dans la société des Blancs, un esclave mutilé fomentant la révolte, sans oublier un frère de retour d’un long séjour d’études dans la métropole. Les acteurs qui évoluent dans ce microcosme ne le savent pas, mais le monde est à l’aube de nombreux bouleversements. En fait, l’héroïne les incarne tous. Certains sont en cours (révolution industrielle et abolition de l’esclavage) et d’autres sont à venir (féminisme et reconnaissance de l’homosexualité). Dans le troisième album, il serait tout de même intéressant que le caractère de la protagoniste s’étoffe, afin qu’il soit moins teinté de la rectitude politique du XXIe siècle.

Aux pinceaux, Gilles Mezzomo propose un travail réaliste de facture assez classique. Les interprètes manquent cependant d’expressivité ; il n’y a souvent qu’un rictus qui permet de distinguer l’effroi de la joie ou la douleur de la déception. Le joli visage de la comédienne principale est d’ailleurs particulièrement stoïque. Les décors sont bien rendus, notamment ceux des scènes se déroulant dans la jungle.

Une tranche d’histoire agréablement racontée, dans un univers où les tensions ethniques, sexuelles, matrimoniales et intergénérationnelles sont exacerbées.

Moyenne des chroniqueurs
6.0