Julie Doohan 1. Spirit of Bourbon

État de Virginie, début du XXème siècle. Doyle Doohan est un personnage gênant. Était, car la mafia italienne s'étant occupé de son cas, elle peut désormais élargir sa mainmise sur l'alcool de contrebande. Grave erreur, car Julie, la fille du défunt, va se charger de leur faire comprendre deux choses essentielles : d'abord, on ne tue pas impunément. Puis, que ça leur plaise ou non, l'activité illégale de son paternel devra reprendre.

Pour lutter contre des taux de mortalité et de criminalité excessifs, c'est à partir de 1920 que les États-Unis d'Amérique adoptent un amendement qui proscrit formellement la fabrication et la vente d'alcool. Ces mesures s'avérant inefficaces, elles furent levées en 1933 au profit de taxes.

Une trentaine d'années séparent les eaux limpides d'Aquablue des spiritueux frelatés, le sujet de Julie Doohan, la nouvelle série de Thierry Cailleteau. Somme toute, l'âge d'un bon whisky. Du cinéma jusqu'à la littérature, l'auteur délocalise une thématique souvent abordée en milieu urbain en installant, une fois n'est pas coutume, son action dans et autour d'un village situé au cœur des vallées du Commonwealth. Loin d'être une sainte nitouche, son héroïne affiche un caractère bien trempé et des ambitions qui le sont tout autant. Depuis l'assassinat odieux de son père qui refusait obstinément de se plier aux exigences des ritals, la bougresse, se moquant royalement du volstead comme de son premier jupon, rouvre les portes poussiéreuses de l'atelier de distillation clandestin. De surcroît, bénéficiant du soutien d'une majeure partie de la population locale pour participer au maintien de l'économie, la jeune et jolie bootlegger va tenter d'en profiter pour mener ses représailles jusqu'à leur terme. Tels les alambics, l'entrée en matière n'a pas le temps de refroidir, car l'histoire qui ne manque pas d'intérêt ne se borne pas seulement au terrain choisi par le synopsis. Promis, ça va barder.

Les forces et faiblesses du trait de Luc Brahy (Imago Mundi, Irons, Insiders Genesis) n'ont plus de secret pour celui ou celle qui attache de l'importance à la qualité du dessin. Les agrandissements, peu nombreux sur les faciès, n'empêcheront pas de relever leur manque d'expression. Cette absence de réalisme est compensée par des plans plus élargis qui revisitent agréablement les lieux et l'époque traversée tandis que les coups de pétoire et fusillades donneront au lecteur l'envie d'éviter de traîner dans les parages et de foutre le camp avant qu'il ne soit trop tard. D'un point de vue général, son travail, soutenu par Simon Champelovier sur les couleurs, est satisfaisant.

S'il y est largement question de prohibition, cette introduction, Spirit of Bourbon, n'interdit pas sa lecture. Bien au contraire.

Moyenne des chroniqueurs
6.0