Pollock Confidential

V ers la fin des années 1940, la guerre froide bat son plein. Témoins du rayonnement de l’art soviétique, les Américains souhaitent donner la réplique. Les artistes ne le réalisent pas, mais dans cadre de l’opération Laisse longue, le gouvernement tire les ficelles pour que leurs créations soient exposées dans les musées et analysées dans les revues spécialisées. Natif du Wyoming, Jackson Pollock n’est pas issu de l’immigration récente, il n’est même jamais sorti des États-Unis ; bref, il a tout du parfait héros national. Sa production se montre singulière ? Peu importe, ça permettra de démontrer qu’au pays d’Harry Truman les créateurs peuvent s’exprimer sans entraves. Le récit est raconté par Dan Adkins, un agent de la CIA chargé d’infiltrer l’entourage du marginal.

Bien que fascinant, ce sujet ne sera finalement pas le cœur du projet. Pollock confidential demeure une biographie assez classique qui s’attarde particulièrement aux dernières années du peintre. Le lecteur fait la connaissance d’un homme de génie, bourru, irresponsable et ivrogne. Il découvrira au passage quelques épisodes de son enfance, ses amours et sa méthode de travail. Le cahier des charges est respecté, mais le bédéphile reste sur sa faim. Pourquoi diable ne pas s’être davantage intéressé aux retombées de la stratégie déployée par l’administration étasunienne ? Le non-figuratif aurait-il connu la gloire s’il n’avait obtenu ce soutien ? Serait-il toujours aussi présent dans les manuels d’histoire de l’art ?

Les illustrations d’Onofrio Catacchio n’ont rien à voir avec l’expressionnisme abstrait ; le bédéiste propose un dessin sage, inspiré de la ligne claire. Le jeu des acteurs apparaît un peu raide, ce qui n’est pas forcément déplaisant puisqu’il traduit le ton d’un rapport rédigé par un fonctionnaire. Le nombre de vignettes est restreint, rarement plus de deux ou trois par page et plusieurs occupent une planche complète, voire deux.

Une intention pleine de potentiel, malheureusement escamotée. Cela dit, l’album permet tout de même d’apprécier un artiste majeur du XXe siècle.

Moyenne des chroniqueurs
6.0