Nicnevin et la reine de sang

N essy, quinze printemps, quitte Londres et ses copines afin de suivre sa mère à Yeavening Bell, dans le Northumberland. L’adolescente va passer son été à la campagne à l’intérieur d’une maison de famille délabrée. Elle s’ennuie, fume en cachette, s’isole en haut des arbres et pianote inlassablement sur son téléphone. Son petit frère, Gowan, s’intègre rapidement au sein de la communauté. Doué ballon aux pieds, il se fait des amis passionnés de football. Après une course effrénée, le gamin assène un tir puissant. Suivant le cuir de l’autre côté de la butte, il découvre un cadavre dont la mort a été étrangement mise en scène. Voilà, un village moins paisible qu’il n’y paraît.

Nicnevin et la reine de Sang n’utilise ni les ressorts habituels du polar, ni ceux du conte fantastique. Puisant dans ces deux genres, la scénariste, Helen Mullane se concentre essentiellement sur son héroïne, une jeune fille qui entretient une relation conflictuelle avec sa génitrice. Aussi, la demoiselle se renferme sur elle-même, ignorant la magie qui s’immisce doucement dans son quotidien. Elle ne prête que peu d’intérêt à la connexion qui la lie aux animaux et à ses visions qui gagnent en intensité. Faisant abstraction du paranormal, le personnage principal se consacre à une idylle naissante à l’endroit d’un voisin d’âge mur. Ce dernier l’initie aux anciennes coutumes et aux religions ancestrales. Par ce biais, l’autrice vulgarise le folklore du nord de l’Angleterre, jouant à la fois des rituels et des références aux origines de la tribu des Gododdin (ou Votädini). Elle n'aborde néanmoins que partiellement le panthéon païen alors que cela apparaît comme un des points fort du comics. C’est donc en premier lieu par l’intermédiaire du Don Juan que le lecteur assouvit sa curiosité en faveur de la Déesse, Cailleach. Puis, dans un second temps, une entrée additionnelle au cœur de cet univers druidique est proposée par l’écrivaine en faisant déterrer par sa protagoniste le journal intime de sa grand-mère. Habile, cette exhumation permet d’introduire un supplément de sorcellerie et d’entretenir un flot de révélations tout au long du récit.

Au pinceau, Dom Reardon (Caballistics, Inc., The Grievous Journey of Ichabod Azrael) et Matthew Dow Smith (Mirror’s Edge) livrent une copie un tantinet irrégulière. En effet, au fur et à mesure des fascicules, l’allure géométrique de leurs traits s’accentue sans pour autant nuire à la lisibilité de leurs planches. Leurs compositions semblent inspirées du génial Edouardo Risso (100 Bullets, Dark Knight : une histoire vraie, Moonshine), notamment eu égard à la gestion des aplats de noir et à la légèreté de l’encrage. La colorisation de Lee Loughridge est à l’avenant des meilleures pages de ses comparses, instaurant une ambiance propice au surnaturel.

Sympathique compatriote des dessinateurs, Jock a signé quatre couvertures dans son style caractéristique. Annexées en fin d’ouvrage de cette édition de la collection H1 des Humanoïdes associés, ces illustrations dégagent beaucoup de mysticisme et donne un coup de fouet au projet.

Le canevas scénaristique de Nicnevin et la reine de Sang contient les ingrédients d’un bon divertissement, mais la cuisson de la potion s’avère un peu aléatoire. L’assaisonnement aurait également mérité d’être mieux maîtrisé de manière à laisser un goût plus prononcé.

Moyenne des chroniqueurs
6.0