Sauvage (Meynet) 5. Black Calavera

« L’expérience » d'imposer un Maximilien au Mexique est sur le point de s’achever dans la déroute pour les Français et leurs alliés. Politiquement, ce fiasco marque la fin de l’influence de l’Europe sur le continent américain et, la Guerre de Sécession s’achevant, le retour en force des gens de Washington. Sur le plan humain, les soldats et les civils paient le prix du sang de cette entreprise impériale sans lendemain. Au milieu du chaos, Félix Sauvage suit encore les ordres, c’est un militaire avant tout, mais il ne lui en faudra pas beaucoup pour s’émanciper complètement de sa hiérarchie. Maintenant, que faire ? Joindre une bande de franc-tireurs ou se fier à sa bonne étoile et se fondre discrètement dans le paysage ?

Depuis le début de Sauvage, Yann a choisi le mode feuilleton classique pour narrer les aventures de son héros : une vengeance familiale poursuivie à travers un pays exotique, un contexte historique peu connu permettant la multiplication d’aléas tous plus dramatiques les uns que les autres et une distribution riche en personnages savoureux et stéréotypés. À ses côtés, Félix Meynet offre une mise en scène léchée et particulièrement lumineuse. De plus, spécialité de la maison oblige, il n’a pas oublié d’introduire quelques petites pépés à la fois fortes et engageantes. Une bonne dose d’énergie et un savoir-faire certain dans la gestion des moments forts emballent le tout et rendent la lecture prenante et dépaysante, jusqu’à présent.

Cependant, arrivé au tome cinq (pour rappel, l’enjeu principal a connu sa conclusion dans La Youle, il y a deux albums), la formule commence foncièrement à montrer ses limites. Le scénariste hésite et ne sait pas trop où envoyer son Félix. À défaut de mieux, il tourne son regard vers le Nord afin de trouver l’inspiration et en profite pour rendre hommage à son glorieux prédécesseur, Jean-Michel Charlier. Vu l’engouement actuel du Neuvième Art pour le western, l’originalité en prend un coup, malheureusement.

Péripéties diverses, violence soutenue et énième perte d’illusion sur la nature de l’homme, Black Calavera surnage grâce au professionnalisme sans faille de ses auteurs. Par contre, à l’image de celui de son monarque, ça sent la fin de règne pour Sauvage et ses compagnons d’infortune.

Moyenne des chroniqueurs
5.0