New Cherbourg Stories 1. Le Monstre de Querqueville

A lors que les membres du club de natation féminine s’entraînent, elles découvrent une étrange créature marine échouée sur la plage de Querqueville. Une sorte de cétacé à poils qu’il convient, au grand désespoir du Maire, d’éloigner rapidement des badauds et des journalistes. Plusieurs mois plus tard, l’événement est occulté par la population new-cherbourgeoise. Pour autant, l’animal demeure une préoccupation de tout premier plan pour les services de renseignements français. Les agents Côme et Pacôme Glacère enquêtent d’ailleurs sur des espions qui séjournent au Roule Palace.

Le duo Pierre Gabus et Romuald Reutimann ont gratifié le neuvième Art du roman-fleuve Cité 14. Décrochant le prix de la série au Festival International de la Bande dessinée d’Angoulême en 2012, les auteurs ont produit deux saisons ainsi qu’une histoire complète, L’extravagante Croisière de Lady Rozenbilt, dont la narration évoque des faits antérieurs. Quelques planches d’une troisième campagne avaient même filtré attisant les attentes d’un public conquis. Pourtant, près de sept années plus tard, les compères proposent au lectorat un nouveau concept. Toutefois, la recette ne semble pas si éloignée de leur première réussite. En effet, avec New Cherbourg Stories, le scénariste choisit, une nouvelle fois, une ville fictive comme protagoniste principal, à la manière de Sin City de Frank Miller. Ce centre urbain adopte une esthétique américaine des années trente, arborant fièrement ses briques, ses corniches, ses fenêtres à guillotine et ses réservoirs sur les toits. La commune semble être ouverte à l’international, ses hôtels luxueux débordent de richissimes clients, les cieux voient circuler de gigantesques dirigeables et son port est naturellement bondé. Particularisme tout de même, cette agglomération se situe sur le Vieux continent puisqu’elle est une version imaginaire, et cependant bien crédible, de Cherbourg-en-Contentin. À ce titre, Romuald Reutimann insère parfaitement la montagne de Roule, la place Napoléon, le cinéma l’Odéon, le bassin du commerce ou encore la fontaine Mouchel. Ses compositions sont très fournies et plantent divinement le décor, d’autant que l’architecture est abordée en guise de sujet et non de façon à meubler l’espace.

L’écrivain, quant à lui, entame son script par une découverte mystérieuse. L’idée est tirée d’un fait divers datant du 26 février 1934 et elle est romancée afin de lui adjoindre à la fois un aspect fantastique et les atours d’un récit d’espionnage. Pour contrer les velléités des polices secrètes étrangères, le feuilletoniste raconte les péripéties de jumeaux Barbouzes, ersatz de Dupond et Dupont supplémentés d’au moins un pouvoir. Ironiquement gaffeurs, ils laissent des gamins sous les feux des projecteurs. Davantage que des seconds couteaux, ces enfants intègrent une galerie de personnages inattendue, à l’instar des œuvres de Wes Anderson. Le cinéaste est nommé à dessein tellement il plane, dans l’ouvrage, une atmosphère semblable à The Grand Budapest Hotel et à La Vie aquatique.

Les épisodes compilés à l’intérieur de New Cherbourg Stories, Coup de feu au Roule Palace et Dans le ventre de Lala Bama ont été pré-publiés au sein du quotidien la Presse de la Manche, puis auto-édité au format comics par le label Blueman. L’écrin offert par Casterman permet d’élargir la diffusion du recueil et de lui offrir, en prime, un gabarit assurant un confort de lecture.

Enfin, sachez qu’une autre aventure doit paraître à l’automne. Une intrigue se déroulant sur l’ensemble d’un album, approfondissant l’univers new-cherbourgeois et faisant interagir les mêmes interprètes aux endroits emblématiques de la métropole, en particulier aux CMN (Constructions mécaniques de Normandie), rebaptisé à l’occasion la « Comenor ». Voilà des indiscrétions qui mettent en appétit !

Moyenne des chroniqueurs
6.5