The spider King The Spider King

E n l’an 956, le prince Harolf de la lignée des Laxdale rassemble ses troupes. Des paysans fidèles à sa cause, mais inexpérimentés et dotés de piètres armes. Peu importe. L’occasion se présente enfin de venger le défunt roi, lâchement abattu par Aarek le loup. Suite à une succession de manœuvres de guérilla, l’usurpateur au pouvoir est contraint d’engager le combat à l’orée des bois. Un endroit peu propice à la cavalerie. Seulement, les forces ne s’équilibrent pas véritablement. La fin de la rébellion est annoncée. Par Odin, c’est une belle nuit pour quitter Midgard et rejoindre le Walhalla. Les épées, haches, masses et différents instruments contondants ou tranchants sont brandis. L’acier brise des os et, tandis que la bataille semblait désigner les valeureux, une pluie mystérieuse traverse le ciel. Des halos de lumières aveuglent la poignée de survivants et frappent lourdement la terre scandinave. Les guerriers se retirent face à l’étrange message de Thor. Et si ce n’était pas une manifestation des dieux d’Asgard ?

The Spider King, sobrement sous titré Quand les Aliens déclenchent le Ragnarök !, est une œuvre qui appartient autant à son public qu’à ses concepteurs. Dès 2013, l’Australien Josh Vann, scénariste de son état, et l’Italien Simone d’Armini, dessinateur, travaillent à ce projet. Publié par le concours d’une campagne de financement participatif, la mini-série en quatre volets est finalement imprimée, en 2018, arborant la bannière US de IDW. Plébiscitée, cette réussite a attiré la convoitise de la maison Glénat. Après avoir obtenu les droits, l’éditeur grenoblois a justement inséré ce récit au sein du label Grindhouse, qui promeut des créations de genres et indépendantes. Et ce n’est pas peu dire de ce comics qui réalise la prouesse d’allier le pulp à la fantasy, au cours d’une histoire où la technologie ne jure pas au temps des Vikings. Aberrant et pourtant, l’ensemble fonctionne. Sûrement du fait de la magie de l’illustrateur qui rend une copie facile d’approche. Dans un style cartoony assumé et tenu, il ajoute en aplat un surplus d’ombres noires du meilleur effet. Sa patte oscille entre le funky Skottie Young (qui, en passant, a livré une couverture variante du premier numéro répertoriée en annexe) et le sombre Mike Mignola (qui n’a rien produit, alors qu’il est fort à parier qu’il aurait adoré glisser sa réinterprétation de quelques monstres. Et oui. Il n’y a pas de raison !). Deuxième motif de ce succès, le scénario ne connaît pas de lenteur. Les moments de respirations sont rythmés de conversations savoureuses ou utilisés afin d’explorer les protagonistes qui, dotés de nez boursouflés, apparaissent comme la troisième justification de cette performance. Le casting hétéroclite associe une bande de bras cassés, de tout âge, une mascotte peu conventionnelle et surtout une Valkyrie dépositaire de la jugeote collective. Voilà un personnage féminin qui a du chien. Les studios Disney ont Mérida, héritière révoltée dans Rebelle, la saga nordique a Sigrid du clan Lombard dont le lecteur apprend, durant un court épisode en fin d’album, que le père lui a donné le nom d’un âne. Elle a le caractère bien trempé d’un bourricot, certainement. Donc, les cachots, les claques et autres joyeusetés ne l’arrêtent pas. Elle évite de s’exprimer dans le registre princesse gnangnan, bisous et courbettes. Si elle doit offrir sa chevelure pour défendre l’honneur de sa tribu, scalpée, elle se jetterait dans la gueule du dragon Fafnir. Le reptile va fissa fermer son clapet à barbecue et filer hors du territoire de la rouquine !

En seconde partie d’ouvrage, l’expérience se poursuit au gré d’historiettes écrites par le conteur wallaby. Les illustrateurs se relayent amenant leur bagage graphique. Inégales, ces fables offrent tout de même un passif aux interprètes ainsi que des clins d’œil connivents à la pop culture, allant de Ghostbuster à la légende arthurienne. Petite particularité, une nouvelle est signée des deux auteurs. L’avant-propos annonce la couleur. C’est le pilote ! Une première collaboration un peu bancale tant par un enchaînement confus des cases que par des dialogues tièdes. L’écrivain a depuis gagné du galon et que dire de la progression de l'artiste transalpin. Une sacrée évolution, qui donne du baume au cœur à toutes ses mains encore peu affirmées.

Lecture plaisir par excellence, The Spider King puise dans l’animation anglo-saxonne avec des touches d’humour calibrées, une énergie débordante et des acteurs habilement campés. Le spectateur, scotché à son fauteuil rouge et sans lunettes 3D, en prend plein les mirettes devant le talent de Simone d'Armini. Bon visionnage ![

Moyenne des chroniqueurs
7.0