Les dominants 1. La Grande Souche

L 'invasion de la planète a eu lieu. Sans préavis ni explication. Sans pitié ni regret. L'humanité n'a plus que ses yeux pour pleurer et tandis que certains voient dans ces extra-terrestres de nouvelles divinités, que d'autres organisent une résistance apparemment désespérée, il y en a qui essaient simplement de survivre. Andrew est de ceux-là. Sa famille disparue, il n'aspire plus qu'à tenir jusqu'au lendemain. Mais le destin a d'autres plans pour lui...

Sylvain Runberg, scénariste de Millenium Saga, Orbital ou encore On Mars, et Marcial Toledano, dessinateur de Tebori et Ken Games, l'association a de quoi faire saliver. Si le premier est un habitué des récits de science-fiction, le second découvre le genre. Très à l'aise dès qu'il s'agit de peindre des scènes d'action, l'artiste espagnol étale d'emblée ses facilités dans le chara-design en créant des envahisseurs vraiment flippants ou en donnant à chaque protagoniste un style aisément identifiable. Son trait, moins sec tout en restant reconnaissable au premier coup d'œil, perd peut-être en spontanéité, mais tend vers plus de réalisme. Et cela tombe bien, son partenaire a imaginé une histoire qui s'ancre dans un monde contemporain, avant d'évoluer et s'étendre en donnant lieu à des interactions totalement crédibles. Caf l'essentiel de l'intrigue de ces Dominants n'est pas tant centrée sur les extra-terrestres (aux propriétés dérangeantes et bien trouvées) que sur les conséquences qu'une telle invasion a sur les populations et leurs rapports.

Si la trame reste classique avec ce qu'il faut de rebondissements, c'est bien cet angle qui surprend. À travers l'opposition de deux groupes, les résistants et les survivants, - en attendant d'en découvrir plus sur le troisième, les croyants -, Sylvain Runberg montre que le danger ne vient pas forcément de très loin. Les choix de chacun, en fonction de ses craintes et espoirs, dépassent bien souvent, en violence ou en cruauté, tout ce que les visiteurs de l'espace réserve à l'Humanité. Que les protagonistes optent pour l'union sacrée ou la dispersion et l'individualisme, ils gèrent la situation comme ils peuvent, courage ou résignation faisant le reste. Sans dévoiler l'ensemble des possibilités qu'offrent les trois voies de survie, les auteurs sèment des pistes et tissent une toile prenante. S'appuyant sur un séquencement et une mise en page efficaces, où Marcial Toledano alterne plans larges en vue plongeante et plans serrés sur les personnages et leurs émotions, le rythme accélère et la tension monte sans cesse jusqu'à l'ultime scène. Une sensation finale appuyée par les articles qui enserrent les cinquante-quatre planches, ajoutent au contexte, prolongent et entretiennent le suspense.

Entrée en matière au contexte et au graphisme travaillés, La grande souche parvient à convaincre sans trop en dire. Dans une production qui voit fleurir les titres à tendance post-apocalyptique, voici une série suffisamment originale pour éveiller la curiosité et susciter l'attente. Cela tombe bien, la suite est annoncée pour cette année.

Moyenne des chroniqueurs
7.0