Blueberry (Blain/Sfar) 1. Amertume Apache

L e calme qui règne du côté de Fort Navajo n’est qu’apparent. Les Apaches se tiennent de leur côté et les pionniers de l’autre, avec la cavalerie au milieu pour maintenir un semblant de paix. Un violent crime crapuleux met brusquement à mal ce précaire statu-quo. Blueberry est chargé d’aller arrêter les coupables avant que la situation s’envenime pour le pire.

Après Lewis Trondheim pour Spirou, David B. avec Alix et en attendant Matt Konture et son très attendu Boule et Bill, Joann Sfar et Christophe Blain s’attaquent eux aussi à un mythe du Neuvième Art : Blueberry. Prendre la suite de Jean-Michel Charlier et Jean Giraud représente certainement un des défis les plus ambitieux de la récente vague de reprise de titres de l’âge d’or. Dans le but de se simplifier (un peu) la tâche, les auteurs ont choisi de situer leur aventure avant le corps majeur de la série, à l’époque où Mike était en garnison dans un poste avancé « quelque part dans l’Ouest ».

Délicat travail d’équilibre et de retenue, Amertume Apache repose sur un double effort de respect du personnage et du genre. Il faut que le caractère entier, mais rempli de sagesse, du lieutenant s’intègre au sein d’un western de frontière pur et dur. De plus, doté eux-mêmes d’identités très fortes, tant Sfar que Blain ont également dû se faire violence afin que leurs personnalités respectives ne viennent pas bousculer la nature profonde de la célèbre saga. Sur ce point, leur mission est réussie, ni Gus ni Chat disert ne viennent perturber l’univers en place. Pour autant, le scénario fortement teinté de féminisme et la mise en image mêlant réalisme et épure dénotent de la modernité de l’entreprise. Charlier et Giraud ne sont pas oubliés. Par contre, la page est bel et bien tournée et ce reboot penche assurément vers des thématiques d’aujourd’hui.

Si Blueberry s’engage sur de nouvelles pistes, il n’a rien perdu de ses réflexes et de son bagout. Impressionnant exercice de style doublé d’une respectueuse relecture de son cadre, Amertume Apache n’a pas à rougir devant les albums précédents. Suite et fin dans Les Hommes de non-justice.

Moyenne des chroniqueurs
6.5