Le roi des bourdons Le Roi des bourdons

À Chattertown, l’industrie du comics book est dominée par Chatterbooks. Zola Vernor consacre ses nuits à développer des projets de bande-dessinée, en vain. Pour être au plus proche de sa passion, il a accepté un emploi de magasinier dans les entrepôts de cet éditeur qui possède la licence du super-héros du coin, Hyperclébard. À la maison personne ne l’attend, pas de femme, encore moins d’enfant. Juste un frère, hébergé depuis peu et qui verse dans la boisson. Comme si cela ne suffisait pas, leur mère, atteinte d’un Alzheimer avancé, est hospitalisée. Leur père, quant à lui, répond aux abonnés absents. En entretenant la résidence familiale, l’aspirant dessinateur sauve un bourdon de la noyade. La colonie lui offre, en retour, de la gelée royale. Ce nectar confère une force herculéenne et le pouvoir de voler. De quoi remonter la pente ? À voir...

Entre 2005 et 2007, David de Thuin a édité Le roi des Bourdons à compte d’auteur. Six livrets de trente pages, cinq couvertures rouge et une bleue, racontant par l’intermédiaire d’un gaufrier statique, les méandres d’un scribouillard en devenir. Le récit est entré cette année au catalogue Glénat, au sein de la collection 1000 feuilles, là où, précédemment, l’artiste a signé le gargantuesque La proie et le plus ramassé, Le corps à l'ombre. À cette occasion, l’intéressé a redessiné la totalité de l’album. Le format de la présente édition lui a permis de repenser la structure de ses planches, notamment en variant la longueur et la hauteur des strips. Par incidence, l’illustrateur a introduit davantage d’alternance dans ses cadrages, améliorant ainsi sa profondeur de plan. Les personnages anthropomorphiques sont mieux tenus, plus expressifs et le trait, d’un point de vue général, est moins lâche.

Embarqué dans une entreprise « trondheimienne », et limité par la pagination, deux fois inférieure à la première mouture, le scénariste a également revisité son histoire. Il a épuré les séquences, diminué le nombre de dialogues et en a reformulé d’autres. Une subtile recomposition qui n’élude pas les bonnes idées de la publication initiale, à savoir les arcanes du neuvième art, une tranche de vie de pré-parentalité, les addictions et enfin la disparition des êtres chers.

À l’égard des lecteurs d’hier, les deux arcs narratifs se répondent toujours. Le personnage principal connaît des déboires professionnels et intimes, alors que, sous son costume de vigilant, il est imbattable et flamboyant. Néanmoins, la narration a gagné en fluidité et la révélation finale invite à une relecture éclairée.

Petit bémol toutefois, le livre voue son dernier feuillet à un cahier de croquis tout en faisant l’économie de commentaires sur l’autoédition et de référence aux précédents exemplaires. Dommage.

La sélection en compétition officielle du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême 2020 représente d’ores et déjà une récompense pour David de Thuin qui porte haut la maxime de Nicolas Boileau « Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage : Polissez-le sans cesse et le repolissez ; Ajoutez quelquefois, et souvent effacez » (extrait de L’art poétique, 1674).

Moyenne des chroniqueurs
7.3