L'or des marées 1. Les moissonneurs de la mer

Y ves Kerléo est gardien de phare. La vie est rude et solitaire. Avoir tenu bon pendant la tempête de 1894 lui confère un statut de légende locale. Il séduit Anne, pourtant fiancée à François, un officier de marine. Dès lors son projet évolue. Il achète une ferme sur l’île de Béniguet, dont la terre est propice à la pousse du froment. Cependant, l’économie et les techniques changent. L’industriel Eugène Lemarchand propose à Yves de devenir goémonier, c’est-à-dire de ramasser les algues laissées par les grandes marées, les sécher, les brûler et obtenir des pains de soude, dont on extrait l’iode, fort prisé en pharmacie et en photographie. Une collaboration fructueuse naît.

Lemarchand a une fille, Estelle, fiancée à François, l’ancien rival d’Yves. Elle s’éprend de lui lorsqu’il se marie. De son côté, Anne se prépare au mieux à sa future existence de fermière, loin du continent et de tout confort. Madame Le Guen, paysanne locale, tente bien de la dissuader de s’installer dans un lieu aussi hostile. Un cadavre a été découvert, dépouillé de ses vêtements et trop loin de la grève pour que ce puisse être un noyé. On raconte qu’autrefois l’île a accueilli des rituels druidiques, qu’elle serait maudite. Entre amours contrariés, contes inquiétants et difficultés financières, la nouvelle existence d’Yves ne s’annonce pas sereine.

Adaptation du Pain de la mer (2002), premier roman de l’écrivain régionaliste breton Joël Raguenes, L’Or des marées propose une plongée dans la Bretagne de la fin du 19è siècle. Ce volume introductif met en place les prémisses d’une saga familiale, avec ses composantes traditionnelles : les enjeux sociaux, les sentiments amoureux, la lutte entre tradition et modernisme, les ambitions personnelles. François Debois (La Quête du Graal, Winston Hoggart) tisse dans Les Moissonneurs de la mer une trame équilibrée et prenante, sur un arrière-plan historique riche et documenté. Les personnages sont bien construits et les portes ouvertes - ou entrouvertes – par leurs interactions promettent bien des rebondissements.

Le trait de Serge Fino (Les Ailes du Phaéton, Les Maîtres Saintiers) met parfaitement en images le ciel bas d’Armorique, la grisaille de l’océan en hiver et le granit des demeures traditionnelles. Les femmes sont belles, les hommes ont du charisme et le soin du détail aide à l’immersion, sans saturer l’œil. La mise en couleur de Bruno Pradelle, réaliste et sobre, évoque la peinture du monde paysan telle que l’ont pratiquée Jean-François Millet ou Jules Bastien-Lepage.

Debois et Fino se retrouvent après les huit volumes des Chasseurs d’écume (2011-2018), fresque bretonne au cœur du monde de la pêche. L’élégance de la narration, des dialogues et du graphisme séduit instantanément et fait désirer d’ores et déjà la parution du deuxième tome.

Moyenne des chroniqueurs
7.0