Sombres citrouilles

C haque année, les Coudrier se réunissent pour fêter en grandes pompes l’anniversaire du patriarche. Au sein de cette belle maison perdue en plein campagne française, l’hôte accueille ses enfants et petits-enfants pour une réception sans égale. Pourtant, tous rechignent à passer le 31 octobre dans ce magnifique cadre. Les parents tardent à arriver pendant que les gamins vagabondent pour éviter de croiser les convives. La matriarche, sévère par nature, demande aux deux jumelles, à Colin et à Hermès d’aller cueillir des courges dans le potager. S’exécutant, ils découvrent un homme étendu, mort parmi les choux.

L’auteure, Malika Ferdjoukh, transpose son roman jeunesse paru à L’école des loisirs et ayant été récompensé du prix « Sorcières » en 2000. Elle s’associe à Nicolas Pitz, avec qui elle a déjà commis la bobine d’Alfred. S’appuyant donc sur un canevas abouti, la scénariste a allégé son récit afin de rendre une histoire complète en cent cinquante planches. L’adaptation demeure pourtant relativement dense. Dans cette tribu, les gens s’écoutent peu. Ce qui est effectivement propice à la naissance de nombreux secrets. Néanmoins, pour représenter cela, et principalement dans la première partie, l’écrivaine pose des dialogues sans répondant et coupés de points de suspensions. Ce mécanisme est très juste, tout à fait réaliste, mais peu agréable à la lecture. Par ailleurs, le narrateur omniscient accompagne le plus jeune garçon de commentaires prenant la forme de récitatifs. En parallèle, deux adolescents s’adressent directement aux lecteurs par le même procédé narratif. Ce doublon alourdit le traitement sans présenter d'intérêt pour l’intrigue.

De son côté, le dessinateur retranscrit admirablement l’automne, les feuilles mortes et les arbres dégarnis. Il propose aussi des arrière-plans très convaincants de l’intérieur d’une maison bourgeoise richement décorée. Clou du spectacle, son coup de pinceau anime divinement les animaux de passage, que ce soit le hérisson, les chiens, le renard ou les oiseaux. Moins réussies toutefois, les doubles pages n’ont pas vocation à chapitrer le livre. Présentes en début d’album, un peu statiques, elles disparaissent sans raison au cours de la narration. Enfin, si les scènes de jours en dégradés d’ocres sont époustouflantes, le parti-pris graphique des séquences de nuits est, a minima, osé.

Sombres citrouilles entretient la magie du livre éponyme. Si vous êtes curieux des petites cachotteries d’une noble famille de province, plongez-vous dans la bande-dessinée, vous ne serez pas déçus par ses révélations !

Moyenne des chroniqueurs
5.0