L'ours est un écrivain comme les autres

C'est l'incendie,
Le grand incendie qui a détruit l'œuvre de toute une vie.
Arthur Branhall, artiste au vague-à-l'âme grandissant,
S'est isolé dans un chalet afin d'écrire SON roman.
Malheureusement, le destin en a voulu autrement.
Qu'à cela ne tienne, une année a passé
Et un nouveau manuscrit est né :
«Désir et destinée».
Pour éviter tout contre-temps,
Il l'enterre au pied d'un arbre imposant.
Un ours passe
Et s'empare de la paperasse…


Après l'excellent Alexandrin ou l'art de faire des vers à pied, Alain Kokor offre une libre adaptation du récit de William Kotzwinckle, L'ours est un écrivain comme les autres.

Dans cette histoire délicieusement burlesque, un gros nounours plutôt malin décide de tenter sa chance à la City après avoir volé le projet d'un auteur en manque de confiance. Malgré un vocabulaire restreint - il apprend vite -, et un système pileux extrêmement développé, sa gourmandise outrancière et ses manières frustres, l'olibrius séduit sans effort. Tout cela le fait même passer pour un excentrique plein d'esprit et talentueux. Pendant ce temps, le vrai créateur déprime et fuit l'humanité en se réfugiant dans une grotte comme… un certain plantigrade ? Par-delà l'aspect comédie loufoque, il y a bien une réflexion juste et pertinente de la société. Le parallélisme des situations permet de mettre en évidence l'opposition et l'absurdité des mentalités. Le comportement inattendu du héros velu est propice aux rebondissements cocasses : attention, Dan Flakes est dans la place ! À quoi tient le succès finalement ? À bien peu de chose…

La colorisation monochrome surprend par ses variations restreintes d'orange clair à foncé. Le dessinateur croque ses personnages avec malice et tendresse. Son trait charbonneux d'épaisseur variable accorde du relief et un charme empreint de douceur, charmant et humble. Les décors joliment travaillés font voyager, passant aisément de la nature à la ville.

Fable moderne et décalée sur un monde dans lequel plus l'individu est original, fantasque et outrancier, plus il plait, mais aussi où la gloire est une chienne qui ne s'apprivoise jamais, L'ours est un écrivain comme les autres met finement le doigt sur les travers et les contradictions manifestes de l'Homme, incorrigible.

Moyenne des chroniqueurs
6.5