La ballade du soldat Odawaa

E n pleine guerre, à quelques kilomètres du front, le commandant Von Schaffner et quelques hommes écument les campagnes françaises et font main basse sur tout ce qu'ils trouvent. L'armée tricolore a d'autres préoccupations, aussi, par l'intermédiaire du colonel Desjoyaux, elle demande au Capitaine canadien Ernest Keating d'envoyer ses soldats d’élite et notamment Joseph Odawaa régler ce « problème ». Véritable légende dans son camp comme dans celui de ses ennemis, ce fils « d'une Française et d'un indien Cree » est aussi insaisissable qu'efficace et sans pitié...

Avec La ballade du soldat Odawaa, Cédric Apikian signe sa première incursion dans le neuvième art. Pas totalement novice dans ce médium - il a créé l'émission PifPAFPoum - il est accompagné de Christian Rossi (dessins) et de Walter (couleurs) - rien que ça ! - pour transposer ce récit en bande dessinée.

Mélangeant les clins d'œil et les références historiques (si Francis avait eu une balle de plus...) autant que cinématographiques (Sergio Leone, Le Stalingrad de Jean-Jacques Annaud, la violence de Peckinpah), les auteurs offrent un récit aux multiples inspirations. En premier lieu, celle des Indiens canadiens ayant pris part à la Première Guerre mondiale. À cette source, souvent méconnue, s'ajoutent pèle-mêle des ingrédients de western, la thématique de la vengeance, la maîtrise de l'information ou la question de la déshumanisation des soldats et des prisonniers en temps de conflit. Le scénario, habile et retors, ne laisse que peu d'espoir et de répit, tant dans la nature des hommes que quant à l'issue. La lecture, cadencée et s'appuyant sur des dialogues ciselés, devient vite prenante et demandera une immersion totale pour ne pas se perdre en conjectures erronées.

La mise en scène de Christian Rossi qui aime se mettre en danger et n'hésite pas à faire une nouvelle fois évoluer son dessin pour coller à la tonalité de l'histoire, est impeccable. Moins gratté que pour son précédent ouvrage, Le cœur des Amazones, le trait de l'artiste n'en reste pas moins précis et efficace. Rappelant par moments ce que Fabien Bedouel propose dans la trilogie Darnand chez Rue de Sèvres, un autre récit de guerre, le dessinateur de Deadline joue de l'encrage pour appuyer ses contre-jours et ses clairs-obscurs afin d'accentuer les ambiances sombres et mornes des décors et du contexte. Entretenant le flou sur l'existence et l'identité d'Odawaa jusqu'à l'ultime séquence, les auteurs sèment indices et fausses pistes avec métier et tiennent en haleine les lecteurs. Si la révélation, concise autant que brutale, en étonnera plus d'un, force est de constater qu'ils sont parvenus à parfaitement ménager leur effet.

La ballade du soldat Odawaa se révèle à la fois une entrée remarquée dans le 9ème art pour Cédric Apikian et une occasion de plus de donner envie de suivre la carrière, de profiter une fois de plus du talent de Christian Rossi. Et qui sait, peut-être est-ce le début d'une collaboration fructueuse (un préquel est évoqué) en attendant la version grand écran.

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Moyenne des chroniqueurs
7.0