Les vermeilles Les Vermeilles

J o est agacée, sa belle-mère est une sorcière, l'une de ses demi-sœurs « fait sa belle » sous prétexte qu'elle a de petits seins qui poussent. Son père ? Pas mieux ! Il ne comprend rien à rien... Aussi, elle n'hésite pas une seconde lorsque l'occasion lui est donnée de fuguer. Sa famille occupée à installer le campement pour ce week-end, son sac à dos rempli de tout ce dont elle aura besoin et, hop, la fillette se met en route. Elle ne tarde pas à croiser et suivre un drôle de mini couple à cheval... L'aventure peut commencer.

Lorsque le nom de Camille Jourdy apparaît sur la couverture d'une bande dessinée, la trilogie Rosalie Blum, adaptée au cinéma avec succès par Julien Rappeneau en 2016, vient immédiatement en tête du grand public. Cette fois, après Juliette et C'est pas du gâteau, la lauréate du Fauve révélation 2010, propose avec Les Vermeilles, un copieux récit jeunesse de cent cinquante-cinq planches au format parfaitement adapté à la cible.

D'emblée, le ton est donné et la référence au chef-d'œuvre de Lewis Caroll saute aux yeux. Il serait toutefois injuste de réduire cette histoire à une simple resucée des aventures d'Alice. Sur la base d'une structure de conte merveilleux, l'autrice démontre une belle créativité. Et tout en livrant un hommage aux classiques de la littérature jeunesse (avec des clins d'œil à quelques-uns de ses héros comme Alice bien sûr, mais aussi Pinocchio, Robin des bois, ou Peter Pan), elle dépeint un univers d'une infinie poésie.

Certes, le premier tiers prend son temps pour poser une ambiance de rêverie et installer un doux climat, cependant lorsque l'intrigue décolle, ce sera pour ne plus jamais s'arrêter jusqu'à l'épilogue. La route de son héroïne est semée de drôles de rencontres autant que d'embûches, et l'enchaînement des péripéties entraîne le lecteur dans une aventure folle et débridée. À mesure que les pages défilent et à l'aide de petits riens, l'artiste crée une certaine euphorie, semblable à celle qui naît lors de la construction du dernier set LEGO ou du nouvel ensemble de Kappla. Sauf qu'ici les petites briques et les pièces de bois ont laissé la place à de jolies aquarelles et à un trait tout en rondeur qui envoûtent et transportent. Et lorsque tout prend forme, il ne tarde alors que de connaître l'issue du périple de Jo. Parsemé d'un humour léger, l'ensemble dégage un charme qui opère jusqu'à la morale, pleine d'intelligence et de sensibilité.

Il est des autrices (et des auteurs) qui cherchent leur voie sans jamais la trouver. Il est des titres qui donnent l'impression que leur essence même a été abandonnée pour répondre à une attente supposée. Les Vermeilles de Camille Jourdy en sont l'exact opposé : un album jeunesse brillant créé par une artiste au style affirmé qui sublime chacune de ses productions. Noël approche, alors offrez une merveille à vos enfants. Ils le méritent. Ce bouquin aussi.

Moyenne des chroniqueurs
8.0