La cagoule, un fascisme à la française 1. Bouc émissaire

A lors que le Front Populaire est au pouvoir, le suicide du ministre de l'Intérieur, Roger Salengro fait des remous jusqu'aux plus hautes sphères de l'État. Son successeur veut tirer cette affaire au clair, et vite. Pour cela, il compte sur la pugnacité et le flair de Mondanel, un vieux de la vieille, qui va devoir utiliser tout son réseau quitte à frayer avec l'extrême-droite et la Cagoule pour démêler le vrai du faux...

Comme en témoigne sa bibliographie avec The Regiment, Le roy des ribauds ou Ira Dei, Vincent Brugeas, en plus de son diplôme en histoire, aime partager sa passion en bande dessinée. Avec Emmanuel Herzet (Les Prométhéens, Le chant du cygne, La branche Lincoln), lui aussi féru de cette matière (il l'a même enseignée), les deux scénaristes reviennent sur une période riche en événements et mystères dans la France des années trente. Le duo est accompagné par Damour et Scarlett Smulkowski, respectivement en charge des dessins et de la colorisation. Ensemble, le quatuor va suivre les pas de leur personnage principal, le commissaire Mondanel, pour creuser un contexte politique dense et tendu, à l'aube de la Seconde Guerre mondiale.

Après les grands espaces, le dessinateur de Pinkerton s'attaque aux costumes-cravates, aux bureaux de la République, aussi bien qu'aux ruelles sombres et aux petites auberges d'un Paris sous tension. Malgré un trait souvent figé, il s'en sort avec les honneurs en offrant des décors fouillés et des planches au découpage varié. Accointances entre politiques, police et grand banditisme sont bien mises en évidence. Tout l'état d'esprit de l'époque, cette sensation que quelque chose d'important se trame sans savoir réellement quoi, est restituée avec soin. Trop peut-être. Les séquences s'enchaînent sans déplaisir, mais sans passion, l'austérité de l'intrigue et la froideur de certains personnages n'y étant pas étrangers. Difficile d'éprouver de l'empathie pour des protagonistes peu amènes qui semblent tous avoir des choses à cacher ou aux motivations ambiguës. En cinquante-quatre planches, les scénaristes parviennent toutefois à piquer la curiosité et entretenir le suspense quant aux développements à venir.

Bien documenté, Bouc émissaire permet aux auteurs de plonger au cœur d'une période trouble de l'Histoire pas si souvent traitée en bande dessinée. Il faudra toutefois attendre les futurs tomes de cette Cagoule pour savoir s'ils réussissent le pari d'être intéressants et divertissants avec un matériau si sombre.

Moyenne des chroniqueurs
6.0