Charlotte Perriand - Une architecte française au Japon

E n 1927, Charlotte Perriand expose Bar sous le toit au Salon d'Automne. Cette œuvre lui ouvre des perspectives professionnelles et notamment une place dans l’atelier de Le Corbusier et de Pierre Jeanneret. Plébiscitée par ses pairs, après quinze années de carrière, elle part pour le pays du Soleil levant à l’invitation du ministre de Commerce et de l’Industrie. De 1940 à 1942, la néo conseillère pour l’art industriel japonais s’immerge dans la culture asiatique. Elle soutiendra la création de meubles contemporains et épurés tout en valorisant le savoir-faire des artisans locaux et l’utilisation de matériaux traditionnels. Alors que ses prédécesseurs ont vainement tenté d’imposer une vision européenne du design, cette femme, forte et indépendante, réussira à influencer durablement les bâtisseurs nippons.

Charles Berberian rend hommage à une réformatrice de l’architecture d’intérieur au destin incroyable. Alpiniste amateure, politiquement engagée, voyageuse endurcie, elle a été une pionnière dans la prise en compte du vide comme structure du confort. De retour en France au début des années cinquante, elle poursuit son travail signant l’aménagement et l’équipement de la Maison de la Tunisie, du Mexique et du Brésil, de la rénovation du Palais des Nations unies à Genève ou encore de la Maison de Thé à l’Unesco. En quatre-vingt-seize ans d’existence, cette créatrice aura marqué sa discipline et influé bien au-delà.

L’auteur pointe son regard sur un voyage de près de deux ans. Il décide de faire abstraction de son militantisme, qui a pourtant construit la conceptrice. Il prélève des événements rapportés et romance la vie de cette avant-gardiste, bien aidé par une bibliographie fournie. Les ellipses sont organisées pour former une unité, mais le scénariste ne peut éviter la sensation de la bande dessinée « catalogue ».

Sa ligne claire, connue et reconnue, s’exprime sur un papier beige. Il crée des volumes en matérialisant des ombres portées au crayon ou au lavis. Les premières séquences sont plutôt froides, son personnage a besoin d’un renouveau. Puis, le bleu se lève pour répondre à l’irruption du sourire sur le visage de son héroïne. Simple et efficace, l’aquarelle est parfois mouillée jusqu’à l’accident. La couleur bave pour mieux représenter la nature en mouvement et, de temps à autre, l’impression laisse découvrir le grain du papier.

Ce petit format, relié, aux pages épaisses et confortables, est destiné aux connaisseurs de l’icône, aux admirateurs du dessinateur ou encore aux petits curieux. Agrémenté de belles illustrations et d’un entretien éclairant, ce livre est le témoignage de l’estime d’un artiste envers une virtuose.

Pour ceux qui auront aimé le voyage, noté que, du 2 octobre 2019 au 24 février 2020, la Fondation Louis Vuitton propose une ballade dans Le monde nouveau de Charlotte Perriand.

Moyenne des chroniqueurs
6.0