Joker Renaissance

L e Joker a quitté la scène sans son visage. Celui-ci, découpé par le Taxidermiste, trône au commissariat de Gotham City. Alors, lorsque le Clown Prince du Crime veut organiser de nouvelles farces, il commence par récupérer son rictus. Les forces de police sont décimées. Batman et sa garde rapprochée sont mobilisés. Qu’a fait le Joker pendant un an ? Que prépare-t-il ? Il semble vouloir s’en prendre au maire et donne rendez-vous au chevalier noir dans les locaux d’A.C.E. Chemical, là où il prit un bain fatal autrefois. Harley Quinn, la « magnifique aberration rafistolée par [ses] mensonges » s’occupe de la basse besogne. Ainsi débute Le Deuil de la famille, scénarisé par Scott Snyder et mis en image par Greg Capullo.

Dans Fini de jouer, des mêmes auteurs, le justicier est attaqué par la Ligue, censée être son alliée. Ce sera une guerre bactériologique, faisant des détours par l’assassinat des parents de Bruce Wayne, les entrailles de la ville tentaculaire et l’interrogation sur ce qui lie les deux protagonistes.

Les deux autres récits, L’Homme pâle et Mon meilleur ami, plus courts, écrits par James Tynion IV, dressent respectivement un portrait du Joker en Diable et en harceleur d’un journaliste qui avait saisi une de ses failles.

Ce recueil de plus de quatre cents pages met en scène le retour du Joker après l’An zéro et à la suite de l’épisode de la confrérie des Hiboux. Le fou grimaçant est au centre des débats. Il apparaît tour à tour en chimiste, humoriste, manipulateur, psychologue et metteur en scène. Face à lui, dans sa carapace sombre, Batman a peur, est rongé par les doutes et n’a plus tout à fait confiance dans son entourage. Les scénaristes jouent sur cette confrontation des frères ennemis et leur incapacité à achever et faire disparaître l’autre définitivement.

Greg Capullo, maîtrisant désormais parfaitement cet univers sombre, transporte et inquiète grâce à des clairs-obscurs subtils, à des déclinaisons infinies de gris et au recours à une pénombre omniprésente. La noirceur des teintes et le raffinement du trait rendent parfaitement les paradoxes du personnage principal. Cadrages improbables et perspectives folles présentent le monde tel qu'un aliéné de l'asile d'Arkham pourrait le percevoir.

Alors que Joaquin Phoenix crève actuellement l’écran dans un film réalisé par Todd Phillips, le méchant le plus emblématique de la saga de la chauve-souris ne cesse d’être sollicité. Son potentiel narratif illimité permet d’interroger la folie et la normalité, le Bien et le Mal, le juste et l’arbitraire, l’imaginaire et la réalité. Satan, criminel, fou, clown, tout cela à la fois, le personnage aux cheveux verts fait du rire une arme de destruction massive. Mais qui est le Joker ? Ce pavé n’apportera pas forcément la réponse, mais pose la question avec une réelle jubilation.

Moyenne des chroniqueurs
8.0