Legio Patria Nostra 1. Le tambour

1856 à Lyon. Avec les pandores collés aux fesses et l'assurance de se retrouver ligoté sur la bascule à Charlot, deux vauriens habitués aux rapines, l'un de surcroît coupable d'avoir trucidé un souteneur, sont obligés de fuir vite et le plus loin possible. Mais le sort s'acharne, car, de fil en aiguille, de larcins en crimes, ce périple mouvementé va amener ces deux gones à enchaîner les mauvaises rencontres. Le peu de chance sur laquelle ils pouvaient compter jusqu'à présent va définitivement les abandonner.

D''abord, il y a l'hommage. Celui d'un auteur envers son propre aïeul, qui fut capitaine au sein du 1er régiment de la Légion étrangère, décédé à Sidi-Bel-Abbès en 1852. Puis viennent les interrogations : qui étaient ces hommes et pourquoi étaient-ils capables de donner leur vie pour un drapeau qui n'était pas le leur ? Pour tenter d'y répondre, Jean-André Yerles imagine l'itinéraire dramatique d'un jeune garçon contraint de se tourner vers ce nouveau corps militaire, seule opportunité pour fuir son passé et ceux qui le pourchassent. Annoncé en cinq volumes, cette entrée en matière présente l'enfance tragique de deux délinquants juvéniles créés de toutes pièces pour l'occasion et propulsés au sein de faits historiques. De l'action, du rythme et de l'empathie, ce récit particulièrement prenant n'en manque pas. Le lecteur est le témoin de la progressive et lente descente aux enfers de Casimir Berthelot, pris dans l'engrenage, comme de sa quête de liberté. Il pensait enfin y accéder au sein des troupes fondées par le roi Louis-Philippe en 1831.
Le parcours est tortueux est mouvementé : la narration est, elle, tout en aisance autant que plaisante, en témoignent les échanges et les répliques pour la plupart croustillants.

«C'est désormais un légionnaire. Son passé n'existe plus.» Évariste

Sans être d'un réalisme criant en ce qui concerne les faciès des personnages, le dessin de Marc-Antoine Boidin (La guerre des Sambre, Kérioth) révèle toute sa justesse et sa force dans les arrière-plans et les décors variés. De Lyon en passant par la cité phocéenne, la rade de Toulon, jusqu'aux côtes d'Oran, le souci du détail et de la précision est au centre des préoccupations du dessinateur auquel il ajoute de très jolies couleurs et des cadrages inhabituels. De même, grâce à son talent et son aptitude à le faire vieillir sans le métamorphoser, son héros parvient à prendre de la bouteille au fur et à mesure que l'histoire progresse.

À l'occasion de ses grands débuts dans la scénarisation versant BD, Jean-André Yerles fait une entrée remarquée et réussie. Pour la lecture du tambour, premiers notes de Legio Patria Nostra - Notre patrie la légion -, un seul et unique mot d'ordre : engagez-vous !

Moyenne des chroniqueurs
7.4