Au revoir les enfants Au revoir les enfants, La véritable…

E n 1987, Louis Malle réalisait Au revoir, les enfants. La genèse de ce film puisait dans ses souvenirs d'enfance, plus précisément l'arrestation du Père Jacques de Jésus, résistant qui cachait des enfants juifs dans le collège qu'il dirigeait. Le film se plaçait à hauteur d'enfant, dans une tentative d'exorciser un traumatisme profond. Dans cette bande dessinée, Camille W. de Prévaux et Jean Trolley décident de rendre hommage au prêtre déporté.

A travers une intrigue construite comme une enquête, le lecteur suit un journaliste qui reconstitue le parcours de cet homme d'Eglise hors norme. Le récit se compose d'une succession de rencontres, de flashbacks et de monologues témoignant du questionnement intérieur du personnage principal. Ce procédé narratif, très classique, permet d'alterner faits historiques, anecdotes personnelles et d'apporter une dimension plus intime. La volonté de rendre compte de la manière la plus respectueuse et digne possible de la vie du Père Jacques est évidente. Malheureusement, le ton général n'échappe pas aux écueils des belles histoires édifiantes destinées à éduquer les petites têtes blondes. Certes, l'ensemble est visiblement très documenté et le destin de son héros est remarquable. Mais l'exaltation d'une foi un peu masochiste, illustrée par de nombreuses scènes de prostration, parfois teintées de mortifications, sensées traduire le déchirement intérieur face à la tentation (d'orgueil, essentiellement), finissent par lasser tout comme l'insistance à démontrer à quel point tous ceux qui ont croisé sa route en furent marqués.

Dès la première scène, le ton est donné. Une journaliste demande comment définir un homme, au sens rhétorique du terme. La réponse tombe rapidement : le Père Jacques en était un, au sens le plus noble du terme. Il est alors clair que la suite ne sera qu'une longue célébration d'un personnage vidé de toute substance terrestre pour être présenté quasiment comme un saint. L'hagiographie n'est pas loin. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que les auteurs aient déjà commis une biographie de Thérèse d'Avila aux éditions du Triomphe. Ce type d'ouvrage se démarque rarement par ses qualités narratives ou graphiques. Le message est trop important pour risquer de distraire le lecteur de son objectif premier: rendre un hommage appuyé à un homme exemplaire. Le dessin est sans attrait particulier alors que le scénario ne s'écarte jamais des chemins balisés.

Le livre apparaît comme plat et dénué d'enjeux. Il faut clairement convaincre à quel point le Père Jacques était exceptionnel. Les faits auraient sans doute suffi pour lui rendre justice. Le piédestal sur lequel cette bande dessinée le place ne donne qu'une vison déformée de qui il était probablement. On peut d'ailleurs noter que le fait d'être un homme constituait une notion primordiale pour le Père Jacques. Il s'interroge plusieurs fois sur sa capacité à être à la hauteur des valeurs qu'il considère comme indispensable pour pouvoir s'en réclamer. Ironiquement, le sous-titre d'Au revoir, les enfants le présente comme prêtre, puis déporté, enfin "juste parmi les nations". Jamais comme un homme.

Moyenne des chroniqueurs
5.0