Les couloirs aériens

M auvaise passe pour Yvan. Coup sur coup, il a perdu ses deux parents, son boulot et ça ne va pas trop bien avec sa femme. Une pause s’impose afin de faire le point. Son pote Thierry lui propose justement sa maison secondaire jurassienne pour se mettre au vert, histoire de décompresser.

C’est toute la crise de la cinquantaine (la nouvelle quarantaine) qu’Étienne Davodeau, Joub et Christophe Hermenier racontent dans Les couloirs aériens. Dix ans après Lulu femme nue, cette autofiction à six mains se focalise sur un homme, Yvan. Outre une multitude d’évocations du présent et du passé, le temps qui passe est astucieusement symbolisé par les piles d’objets hétéroclites que le héros doit trier. Il commence par les classer en trois tas : le sien, celui de ses parents et les cartons de ses enfants. Le résultat n’est pas très concluant, les choses ramènent certes des souvenirs, mais quels sont leurs valeurs et, surtout, sont-ils si fiables que ça ? Non, pour pouvoir réellement séparer le précieux du dérisoire, il faut des confrontations et des discussions. Celles-ci vont se dérouler alors que tout un défilé de connaissances fait le détour, ou du moins tente de le faire, jusqu’à cette demeure perdue dans la neige.

Touchant et profondément humain, le récit porte la marque de fabrique de l’auteur des Mauvaises gens. Hermenier a apporté le cœur de l’intrigue et les photos de l’inventaire familial, tandis que Joub s’est occupé des couleurs. Cependant, c’est bien Davodeau qui mène la danse. Par les dessins évidemment et, encore plus, par le développement des différentes thématiques : la famille/le groupe, l’amitié, la passation entre jeunes et anciens et, plus globalement, l’importance de profiter de ceux qui nous entourent. Rien de bien nouveau pour les lecteurs de longue date ? Oui et non, si les conclusions restent les mêmes, avec les années, les observations s’approfondissent, les portraits gagnent en contraste (aussi en rides et autres cheveux blancs) et les colères changent pour paradoxalement s'adoucir afin de faire de la place à ce qui est véritablement important : les autres.

Délicieuse tragi-comédie sur le sens de l’existence, Les couloirs aériens passe du rire aux larmes et n’oublie aucune facette de son sujet. Mieux vaut se faire à l’idée : la roue tourne et n’attend personne. Heureusement, si on sait s'y prendre, c’est vraiment bien de vieillir.

Moyenne des chroniqueurs
8.0