RIP 2. Maurice - Les mouches suivent…

Q uand un corps pourrit depuis des jours, des mois, voire des années, qu’il est couvert de mouches et que l’odeur lève le cœur, des spécialistes doivent intervenir pour nettoyer les lieux et récupérer tout ce qui a un peu de valeur. Il est nécessaire d’avoir l’estomac bien accroché pour faire ce boulot ; pour tout dire, il faut surtout être un peu paumé parce que personne ne souhaite occuper un emploi aussi sordide. De fait, les protagonistes de RIP sont davantage des victimes que les véritables acteurs de leur vie sur laquelle ils ont finalement peu d’emprise. La petite escouade est composée d’une demi-douzaine d’hommes ; chacun des tomes braquera les projecteurs sur l’un d’entre eux. L’album initial s’était attardé au destin de Derrick, un sympathique alcoolique ; cette fois il sera principalement question de Maurice, l’aîné de la bande, lequel cache un lourd passé de caïd à la retraite qui semble toutefois renouer avec sa carrière précédente.

Gaet’s maîtrise les rouages du polar. Tous les clichés de ce genre littéraire répondent présents : descente aux enfers, ruelles crasseuses, mines patibulaires, poitrines voluptueuses, alcool et clopes. L’histoire est par ailleurs conçue comme certaines séries télévisées où chaque épisode demeure autonome et raconte une anecdote, alors qu’une intrigue générale conduit d’une aventure à l’autre. En fait, c’est plus compliqué que cela puisque les événements se déroulent simultanément, ou du moins certains segments sont récurrents, par exemple l’arrivée d’Ahmed, un des membres de l’équipe, ou la découverte du cadavre d’une jeune femme. La mécanique se veut complexe et tout porte à croire que chacun des actes apportera un éclairage sur l’ensemble. Le scénariste s’amuse visiblement : en première page, après avoir écrit un message vengeur sur un miroir, le délinquant déclare : « C’est plutôt bien écrit je trouve. Ça devrait plaire aux lecteurs. »

Les illustrations de Julien Monier se montrent tout aussi glauques que le scénario. Le dessin, teinté d’expressionnisme, fait appel à des couleurs très foncées qui contribuent à créer l’ambiance. Les décors sont riches de détails, tout y apparaît systématiquement en désordre, vieux et décrépit. Les couvertures des deux premières parties, quasi identiques, donnent d’ailleurs le ton en proposant un portrait du héros, debout, les épaules voutées, entouré d’insectes. Le découpage, généralement sur trois bandes, se révèle assez classique ; les plans sont variés, à quelques reprises l’artiste présente pudiquement l’agresseur sous la forme d’une ombre menaçante, mais n’hésite pas exposer crûment des scènes violentes, comme c’est de coutume dans le roman noir.

Un projet qui se met doucement en place et qui promet de belles choses.