Monsieur Jules

N onchalamment, Monsieur Jules vient chercher sa commande régulière à la pharmacie. De l'aspirine ? Des pastilles pour la gorge ? Du dentifrice alors ? Non, rien de tout cela, mais pas moins de cent cinquante préservatifs, du lubrifiant et le nécessaire pour une hygiène intime parfaite. Eh oui, cet homme dirige une mini-entreprise de service à la demande un peu spéciale… Deux fleurs de pavés plus très fraîches, Solange et Brigitte, travaillent pour lui. Un boulot tranquille avec les petites prises de bec habituelles, jusqu'à ce que leur train-train soit par une donzelle africaine, jeune femme échouée sur la table de cuisine et bien abîmée, pas que par la vie…

Aussi sur les étals avec le premier tome de Camp Poutine et Amazing grace, Aurélien Ducoudray propose ici un one-shot empreint d'humanité, comme il a su si bien le faire pour Amère Russie. Le quatuor de personnages, cabossé, suscite rapidement l'empathie, bien que le passé et le caractère de chaque membre ne se dévoile que petit à petit. Le sujet du proxénétisme et de l'exploitation humaine a déjà été abordé auparavant (Pour toi Sandra, La mondaine, Cellule poison… ). Ici, le but de l'ouvrage ne tient pas dans la critique ou le jugement, plutôt dans la présentation de quelques destins que le hasard a amené à cette situation particulière. Avec beaucoup de tendresse et de sensibilité, ainsi qu'une dose de mystère et de drame, le scénariste plonge le lecteur dans cette histoire à la fois très actuelle et intemporelle, socialement parlant.

Arno Monin adopte un trait plus enlevé et relâché que dans ses précédents ouvrages (L’adoption, L’enfant maudit, L'envolée sauvage), donnant un rendu légèrement brut qui sied parfaitement au ton du récit. Les nombreuses cases silencieuses, habillées de jolies et douces ambiances colorées, laissent la place aux sentiment intérieurs des acteurs et accordent une certaine latence, propice au suspense.

La liberté a un prix que seuls ceux qui ont tout perdu ou, au contraire, tout à gagner, peuvent se permettre. Justesse et délicatesse pour cette tragédie douce-amère dans un milieu interlope.

Moyenne des chroniqueurs
7.0