Chaplin 1. En Amérique

O ctobre 1912, quelque part sur l'Atlantique, Charles et son ami Stanley rêvent à leurs futures carrières. Alors que le second est sceptique et s'interroge sur leurs chances de succès, le premier est déjà convaincu de devenir une vedette, une star et que, bientôt, toute l'Amérique n'aura que son nom à la bouche...

Premier tome d'une nouvelle trilogie proposée par Rue de Sèvres, cet album coïncide avec les 130 ans de la naissance de Charles Spencer Chaplin. Ce sont Laurent Seksik, spécialiste reconnu de l'artiste (il a déjà co-réalisé en 2014, le documentaire Chaplin, la légende du siècle), et David François (De briques et de sang, Le vendangeur de Paname), qui lui rendent ainsi hommage. Après s'être intéressé aux Derniers jours de Stefan Zweig et à Modigliani, le romancier continue son exploration, en bande dessinée, des génies du siècle dernier. Évitant le piège de la biographie chronologique ennuyeuse, le scénariste s'attache à décrire les événements marquants de l'arrivée de son héros sur le nouveau monde. Son ambition, sa soif de reconnaissance mais aussi son extrême confiance en lui et sa force de travail, l'auteur connaît manifestement son sujet et a choisi un angle rapidement passionnant.

Parsemé d'analepses, son récit se déroule sur un rythme soutenu, en accord avec l'énergie dont le héros fait preuve. Grâce au style virevoltant et aérien de David François, cette impression de tourbillon est omniprésente. Caricatural mais surtout gorgé d'émotions, son trait met en valeur les décors et l'expressivité des personnages dans une lisibilité sans faille (l'alternance pages en couleurs et pages en noir et blanc pour marquer présent et souvenirs est bien vue). Le talent de découpage du dessinateur d'Un homme de joie est au diapason d'une trame qui, même si elle s'avère connue dans les grandes lignes, pose les bases de la suite. Par son graphisme si caractéristique, il souligne les facettes d'un héros haut en couleurs, mises en avant par son comparse. Origine modeste, obstination, propension à tout diriger, rapport aux femmes et à la famille, autant de situations où ses compositions rendent vivantes les réactions et les événements. En dépit une mise en scène un peu sobre - l'artiste est capable d'aller plus loin dans l'originalité - l'ensemble reste plaisant de la première à la dernière case.

Une mise en route agréable, qui revient sur les étapes fondatrices de la personnalité d'une icône. Il faut souhaiter que les deux prochains albums enfoncent le clou et que les auteurs aillent au bout des idées narratives et du ton pour que l'hommage soit à la hauteur d'un monstre du cinéma.

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Moyenne des chroniqueurs
6.5