Léonard 2 Vinci

Q uatorze millénaires après Jésus-Christ, les derniers humains voyagent à bord du Renaissance, un vaisseau spatial. Poursuivis par l’ennemi, ils retournent sur Terre. À partir d’une empreinte digitale détectée sur une toile trouvée miraculeusement intacte sur les murs du Louvre, ils parviennent à cloner Léonard de Vinci, celui-là même qui a imaginé tant de machines de guerre. Le double, Léonard2Vinci, se révèle aussi brillant que l’original et conçoit à son tour des armes, mais arrivera-t-il à les construire à temps pour défendre les siens face à la redoutable armada venue des confins du cosmos ?

Stéphane Levallois fait de l’œuvre du maître son matériau. Il s’approprie ses croquis, ses dessins et ses peintures, les déconstruit, puis les refaçonne pour les mettre à son service. Il les dénature, les altère et les corrompt, sans pour cela être irrespectueux. Pour tout dire, la démarche en entier témoigne de l’immense admiration que le bédéiste voue à celui qui est décédé à Amboise, l’auteur allant même jusqu’à tracer des hachures à la façon d’un gaucher pour ainsi éviter de trahir le coup de pinceau du Toscan. L’ensemble est grandiose, l’artiste s’offre d’ailleurs le luxe de dessiner tout au plus cinq ou six cases par planche et n’hésite pas à confier une double page à une illustration qui revendique cet espace. La plupart des vignettes sont réalisées à l’encre, bien noire pour représenter le futur ou sépia pour dépeindre l’époque des Borgia. Ça et là des taches de couleur, évoquant toutes La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne apparaissent, chromatiquement et métaphoriquement, comme de petites fenêtres lumineuses éclairant une entreprise passablement sombre.

Raconter la vie du génie avec en toile de fond un conflit intersidéral, la proposition ne manque pas d’audace. Bien que le prétexte de la redécouverte des chars et des arbalètes géantes imaginées par le scientifique demeure astucieux, le bédéphile ressort un peu perplexe de ce récit de science-fiction par moments décousu. En fait, plutôt que de tenter de décortiquer ce projet pour en saisir les nuances, peut-être vaut-il mieux se laisser porter par une narration fragmentée qui explore un univers situé quelque part entre l’histoire de l’art et le space opera.

Les coéditeurs, Futuropolis et Le Louvre, ont bien fait les choses avec ce livre grand format, imprimé sur un papier mat qui permet d’apprécier la profondeur des noirs, la subtilité des lavis et la finesse des traits.

Une intention ambitieuse, un album atypique qui rappellent que la bande dessinée a encore bien des galaxies à découvrir.

Moyenne des chroniqueurs
8.0