Les sans-Visages Les Sans-Visages

«Je ne crois pas à la parole d'un masque ! Découvre-toi ! C'est à ton visage que je ferai confiance». Tel est l'avertissement lancé à la face du chef d'une meute de mercenaires cherchant refuge. Il est prononcé par Maître Wilheim, le doyen d'une communauté vivant paisiblement, à l'abri de la barbarie qui s'est répandue au-delà des montagnes. Mais pour gagner la confiance du clan, s'offrir la rédemption et la liberté, il faudra montrer patte blanche et devoir se battre jusqu'au bout...

Seller un cheval et le chevaucher aux côtés de «Bijoux», «La Peste» et «La Chouette», panel d'une horde de sans-visage dirigée par «Le Capitaine», est l'occasion de faire connaissance avec cette bande de gueusailles sanguinaires. De comprendre aussi que ces étranges sobriquets correspondent aux différents masques recouvrant des figures pour certaines hideuses. La guerre ? Cela fait trop longtemps qu'elle existe pour qu'ils se souviennent pourquoi et où ils l'ont commencée. Ce qu'ils savent, c'est qu'ils combattent pour survivre, que la chair est leur gagne-pain, tout comme le sang est leur breuvage, un point c'est tout. Éreintés par tant de conflits, ces vétérans ayant servi sous différentes bannières se sont unis pour constituer un groupe solidaire et déterminé. La découverte inattendue d'un coin de terre immaculé et de ses autochtones pacifistes sera l'occasion ultime de donner enfin un sens honorable à leurs misérables vies.

«Peut-on faire d'un loup, un chien domestique ?» - Wilheim

Pierre Dubois (Sykes, Texas Jack) situe son action au milieu du XXe siècle, au sein d'une Europe qui enregistre une guerre civile sans précédent. Les plaines s'apparentent à un gigantesque champ de bataille et sont jonchées de cadavres. Le propos de ce one-shot d'aventure et d'action, dans lequel la poésie s'invite parfois, exprime et valorise des valeurs fondamentales telles que l'intégration, l'amour, la tolérance, le sacrifice ou encore le respect. Ces thématiques sont conviées dans un récit qui se plaît à confronter des brutes a priori écervelées et une collectivité totalement inoffensive et préservée. L'intrigue, haletante et menée tambour battant, met en scène des personnages aux caractères variés, parmi lesquels quelques âmes rongées par une ambition démesurée, vient titiller un équilibre de paix instable.

La couverture donne le ton et se suffit presque à elle-même. Elle oppose la beauté, la douceur et la quiétude d'un joli parterre de coquelicots à l'insensibilité et la cruauté de l'homme qui le piétine. Les premières planches dévoilent et confirment une cascade de cases particulièrement affriolantes. Pour le plus grand plaisir des mirettes, qu'elles soient dissimulées ou pas derrière des lunettes, l'influence de Rosinski sur son compatriote Zbigniew Kasprzak (La Fille de Paname et Hans pour lequel il a pris avec brio la succession de son mentor) est indiscutable et substantielle. Le trait tout en courbes renvoie un mouvement perpétuel et une profonde crédibilité dans les allures et faciès des protagonistes. Il faut souligner également le sens du cadrage et un encrage direct rendant le dessin somme toute admirable.

Sans-visages certes, mais dotée d'un cœur énorme et d'une indéniable profondeur d'âme, cette compagnie de mercenaires saura vous visser la tête sur les épaules et vous remettre les bonnes idées en place.

Moyenne des chroniqueurs
8.0