Priscilla (Coryn) On choisit pas sa famille

A près les Mazzatella, les Deschiens et les Tuche, voici Priscilla et ses parents (sans compter les amis de la famille), Laetitia Coryn a inscrit son nouvel album au sein de la lignée prestigieuse des ignobles ignorants et fiers de l’être. Attention, lumières rouges clignotantes et avertissements sonores stridents ! L’autrice fait dans le lourd et ne s’est fixée aucune limite ou forme d’auto-censure. Certains sujets abordés pourraient choquer les moins ouverts à l’humour extrême. Les propos sont souvent scabreux et toujours atroces. Cela dit, c’est hilarant, frais et corrosif à souhait.

Nonobstant une mécanique simple et parfaitement rodée, les gags de la créatrice de La vie des vieux font immanquablement mouche. La pauvre Priscilla a bien du mérite pour supporter cet entourage composé de racistes libidineux adeptes de l’apéro permanent. Toutes les tares sociétales du moment sont passées en revue et absolument rien n’est épargné à la fillette. Aussi bien armée que la rédaction de Charlie Hedbo en entier, la scénariste se fait un malin plaisir de ridiculiser par l’exemple une distribution faite des pires sires possibles. Heureusement, les enfants sortent du lot grâce à leur part d’innocence. Ouf, un peu de répit, par contre, le constat général fait plus que froid dans le dos.

Une des grandes forces du livre tient dans le quotidien reconnaissable par tous qu’a utilisé la dessinatrice pour camper ses récits. Un salon, un bistrot, la rue, tout se passe ici, chez nous. De plus, le trait franc et direct, qui rappelle parfois le légendaire Albert Dubout, renforce encore ce sentiment de déjà-vu et le malaise qui va avec. Oui, même s’il ne s’agit que de caricatures outrancières et insupportables, ces gens pourraient être des voisins ou des noms lus dans les faits divers les plus épouvantables. Le rire est acide, presque douloureux et les non-dits pas moins abominables.

Rares sont les bandes dessinées au ton aussi libre et provocant. Sans jamais tomber dans le voyeurisme ou la gratuité, Coryn réussit son pari. Néanmoins, vu son contenu, Priscilla est un ouvrage à déguster en connaissance de cause.

Moyenne des chroniqueurs
6.3