Le vent des libertaires 1. Episode 1/2

U kraine, fin du XIXe siècle. Rien ne va plus pour les Makhno. Croupissant dans la pauvreté, la veuve de Sasha Ivanovitch entretient chez ses enfants la nostalgie du monde des cosaques alors qu’il n’y avait pas de propriétaires et que chacun pouvait vivre dignement. De guerre lasse, elle confie son fils, Nestor, aux Vynnitchenko, une riche famille qui lui permettra de se sortir de la misère. Allergique à la discipline et révolté par les inégalités, le garçon s’enfuit. Cette jeunesse constitue les assises de son engagement social. Doté d’un solide charisme, il s’impose parmi les meneurs du mouvement anarchiste de son pays. La vie n’est cependant pas un long fleuve tranquille pour le révolutionnaire qui se montre rétif à toutes les autorités, celle des patrons et des riches, mais également celle des soviets.

Le scénario, signé Philippe Thirault, présente le portrait d’un héros romantique, de son taudis ukrainien à son bouge parisien trente-cinq ans plus tard. Tout en demeurant fluide, l’histoire alterne entre trois époques : révolte de l’enfance, implication politique dans la vingtaine et homme brisé dans la quarantaine. Le récit s’interroge sur les utopies socialistes et communautaristes ; il en explique les raisons et les fondements, sans fermer les yeux sur ses dérives, notamment dans la violence. Le scénariste évoque ces écarts, mais s’y attarde finalement assez peu, comme s’il voulait préserver le capital de sympathie du personnage, même lorsqu’il commande des exécutions.

Illustrateur des aventures du reporter Thomas Silane depuis une dizaine d’années, Roberto Zaghi se lance dans un projet complètement différent. Son trait, réaliste, rappelle par moments celui de Vittorio Giardino dans Jonas Fink. L’artiste a de toute évidence fait ses devoirs et ses illustrations témoignent d’un grand souci du détail pour représenter architectures et tenues vestimentaires. Construites sur trois, quatre ou cinq bandes, ses planches sont variées et dynamiques.

L’insurgé termine ironiquement sa vie en travaillant sur une chaine de montage de voitures dans une usine Renault à Vincennes. Plutôt que de chevaucher sa monture dans les steppes, il fabrique celles que les petits bourgeois prendront le samedi pour aller pique-niquer à la campagne. Les temps sont durs pour les cœurs purs.

Moyenne des chroniqueurs
7.0