Le masque aux mille larmes 1. La mort marche avec moi

L e silence est retombé sur la plaine de Mizushiro. Après les fracas de la bataille, l’heure est aux pleurs et aux regrets. Quelques miséreux profitent des conséquences du carnage et récupèrent ce qui peut l’être. Une armure, une arme, un bijou ou quelques pièces ; piller des cadavres et survivre, c’est ça ou mourir de faim. Au milieu du chaos, une silhouette blanche paraît, une femme, elle demande de l’aide pour amener le corps de son fiancé à sa dernière demeure. Masamura se porte volontaire, la récompense promise est alléchante. Commence alors un long voyage.

Deux personnages en quête de rédemption sont obligés de s’entraider pour redonner un sens à leurs existences respectives, tel est le sujet central imaginé par David Chauvel. D’un côté, Sadakïo qui, tel Orphée, est prête à tous les sacrifices dans le but retrouver son amour. De l’autre, le mystérieux Masamura, un vrai-faux paysan à qui les circonstances ont tout fait perdre. Ils vont être obligés à apprendre à se connaître et, surtout, à s’accepter mutuellement. Le scénariste dresse là un double portrait grave à la psychologie très poussée. De plus, dans ce Japon médiéval marqué par les guerres et la pauvreté, les deux compagnons vont devoir affronter d’éprouvantes et sanglantes épreuves afin d’achever leur quête. Le rythme est lent à en devenir lourd, les dialogues pesants et les protagonistes invariablement austères. Ces derniers sont tellement hantés par leur passé et uniquement obnubilés par leurs objectifs, qu’ils peinent à provoquer beaucoup d’empathie. Résultat, la route est aussi longue pour le lecteur que pour les héros.

Solide style réaliste franco-belge classique avec de nombreuses incartades vers le manga (particulièrement les duels traités façon seinen), Roberto Ali fait preuve d’efficacité et d’un sens certain de la mise en scène et du découpage. Dommage que certains détails (les faciès plus occidentaux que nippons, par exemple) se fassent remarquer au sein d’une reconstitution historique globalement très réussie. Les couleurs très bien dosées de Walter renforcent agréablement les ambiances quand c’est nécessaire, tout en restant suffisamment discrètes pour ne pas couvrir le trait délicat du dessinateur. Par contre, à l’image du scénario, l’ensemble demeure néanmoins très sévère. Le côté dramatique de l’album s’en retrouve renforcé, peut-être un peu trop.

Des sentiments, de l’émotion et du fracas, Le masque aux mille larmes manque de répit ou de second degré pour séduire totalement malgré une réalisation léchée et pleine de panache. Suite et fin dans le tome deux.

Moyenne des chroniqueurs
6.0