Rhum héritage 1. Eau de vie, eau de mort

À la fin du 17è siècle, le Roi de France demande à la Compagnie de Guinée de fournir le royaume en sucre. Celui-ci est notamment produit en Martinique, au sein d'exploitations dans lesquelles s’épuisent les esclaves. Mais la mortalité est importante et il est difficile de trouver de nouveaux colons. L’État décide de prendre des mesures incitatives (revenus, promesse de devenir propriétaire). Celles-ci séduisent Jean Rouen, fils d’un maître-verrier ruiné, qui embarque en 1693 pour les colonies. Sur le port de La Rochelle, il fait la connaissance du père Labat, botaniste et chimiste. Après deux mois de traversée, une tempête et un combat avec un navire anglais, les compères débarquent sur l’île et rejoignent leurs destinations respectives. Leurs destins se croiseront à nouveau rapidement, dans un milieu fait de violence, d’ambition et d’amitié.

Les éditions Robinson lancent une nouvelle série, Rhum héritage, qui ambitionne de narrer l’itinéraire d’une famille à travers les siècles, comme le fit Jean Van Hamme avec Les Maîtres de l’orge, influence assumée par le scénariste Tristan Roulot (Hedge Fund, Le Testament du capitaine Crown). Le premier cycle devrait s’étendre sur quatre tomes, organisant des destinées individuelles au sein de tragédies historiques telles que l’esclavage, la révolution industrielle ou les guerres anglo-françaises. Son fil rouge sera la fabrication et la commercialisation de la guildive, du tafia, gros sirop, ou médecine du Diable, dite killdevil, c’est-à-dire du rhum. D’abord breuvage immonde, il sera de plus en plus prisé et viendra bousculer les affaires des vignerons métropolitains.

L’ouverture de cette saga, Eau de vie, eau de mort, plante efficacement le décor et les personnages principaux, en évitant soigneusement les grosses ficelles habituelles. Les différentes intrigues, qui s’emmêlent sans complexité aucune, accrochent et la fin de l’épisode arrive trop vite. Tristan Roulot a soigné son écriture, dans la lignée du créateur de XIII et Thorgal. Le rythme est maîtrisé, les accélérations dramatiques sont opportunes et les protagonistes s’épaississent au fil des pages. Le dessin de Mateo Guerrero (Turo, Gloria Victis) quant à lui, s’il ne révolutionne pas le genre, est un appui infaillible et sait charmer l’œil.

Avec Eau de vie, eau de mort, Rhum héritage débute sous les meilleurs auspices. Ce premier épisode est à la hauteur de l’ambition éditoriale et les amateurs de fresques historiques devraient être ravis.

Moyenne des chroniqueurs
7.0