La partie de Boules La Partie de Boules

L a collection Grand angle poursuit son édition des œuvres de Marcel Pagnol en bande dessinée. Cette fois, elle s’arrête à La partie de boules, un épisode tiré du Temps des amours, dernier tome des Souvenirs d’enfance.

C’est l’heure du tournoi annuel de pétanque à La Treille, un village du Midi (maintenant intégré à Marseille) où l’écrivain en devenir passe ses vacances. Tous les habitants affichent leur fébrilité et plusieurs souhaiteraient remporter les sept cent cinquante francs promis au gagnant ; ils espèrent surtout laver l’honneur du hameau en battant la Triplette internationale des Bouches-du-Rhône, un trio mené par Pessuguet. Pour ce faire, une improbable équipe est constituée de Joseph, le père du narrateur, de son oncle Jules et de Mond des Parpaillouns, un braconnier solitaire. En vue de l’affrontement, les participants affinent leur stratégie, par exemple multiplier les formations bidon pour que la compétition se prolonge et que les rivaux assoiffés se laissent tenter par la buvette. Arrive le grand jour ; la tension se révèle insupportable, particulièrement pour le protagoniste, rébarbatif à l’idée que celui qu’il aime et admire, s’il perd à zéro, subisse l’humiliation de devoir poser ses lèvres sur les fesses de Fanny, un tableau médiocre sorti de l’arrière-boutique une fois par année.

Au-delà des boules, Serge Scotto et Éric Stoffel racontent un passage. Le jeune héros est certes attaché à sa famille, toutefois, à l’aube de l’adolescence, il s’émancipe auprès du chasseur délinquant qui lui apprend à piéger le lapin. Ces deux mondes semblent imperméables, le jeu à néanmoins la capacité de réunir ce qui est, à première vue, irréconciliable. Au final, c’est donc l’union de la rectitude paternelle et de la désinvolture du marginal qui procure la victoire. Dans ce récit, somme toute mineur, mais plaisant, le lecteur retrouve l’univers de l’auteur de Marius, avec ces petites gens, leur roublardise, leur mauvaise foi et leurs préoccupations candides ; sans oublier le truculent lexique du sport où les joueurs palouffent, rétropissent ou réalisent un pet de vieille.

Le dessin semi-caricatural d’Éric Hübsch se montre en phase avec le projet et rend bien le ton naïf et léger du Provençal. Avec leurs bouilles à la Honoré Daumier, les personnages demeurent irrésistiblement sympathiques, même les redoutables adversaires qui, présentés sous les traits des Pieds nickelés, apparaissent finalement plus risibles que vraiment menaçants. Les décors restituent pour leur part avec habileté l’atmosphère des lieux, le café de la place, les platanes et, évidemment, les chères collines de l’homme de lettres.

Il est à noter que des éléments de La partie de boules se trouvent dans Le temps des secrets (illustré par Morgann Tanco), publié dans la même collection il y a deux ans. En fin d'album l'éditeur présente d'ailleurs une poignée de vignettes mettant en relief les différences et les similarités dans le travail des deux artistes. Cela dit, si les illustrateurs changent d’un livre à l’autre, les scénaristes persistent et assurent la continuité de l’ensemble.

Georges Brassens avait bien raison quand il chantait : « Une partie de pétanque, ça fait plaisir… »

Moyenne des chroniqueurs
7.0