Le transperceneige 5. Extinctions acte 1

« Je vais te dire ce qui n’est pas en voie d’extinction : l’homme, et particulièrement les ordures dans ton genre… »
En 1982, le magazine (À suivre) publiait le Transperceneige, une saga signée Jacques Lob, racontant l’épopée des passagers d’un train destiné à rouler dans un univers post-apocalyptique. Dans ce microcosme, la société et ses inégalités sociales ont tôt fait de se reproduire et la tension monte. L’histoire se voulait l’allégorie d’une époque où les trente glorieuses appartiennent au passé et où les grands pays sont dirigés par une droite pure et dure, en particulier celle de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher. L’album et ses suites, publiées depuis le début des années 2000, demeuraient muets sur la provenance des réfugiés.

Matz prend maintenant la plume pour expliquer la genèse de l’entreprise, laquelle s’inscrit, elle aussi, dans les préoccupations de son temps. Il est, entre autres, question de l’extermination des espèces et de la pollution qui menace la Terre ; le scénariste anticipe par ailleurs la montée de l’écoterrorisme, ses tenants défendant la thèse que l’être humain est un parasite nuisible à son habitat. Les dissensions se révèlent nombreuses, le titre du livre, Extinctions, porte d’ailleurs la marque du pluriel. Alors que la fin s’annonce, un richissime Chinois affrète un convoi comptant mille et un wagons tirés par un moteur à propulsion perpétuelle. Dans cette arche de Noé se réfugieront des milliers de personnes soigneusement sélectionnées pour garantir l’avenir du monde.

La narration adopte la forme d’un reportage. Elle se déplace d’un bout à l’autre de la planète pour démontrer comment la nature est bafouée et comment des groupuscules fourbissent leurs armes. La multiplication des intervenants donne un côté un peu froid au propos ; quelques figures émergent tout de même, par exemple celle d’un père et de son fils. Ce récit précédant celui de Jacques Lob, pose évidemment des difficultés, notamment celle de justifier que tout ce qui s’est passé depuis quarante ans soit occulté, au premier chef les avancées en informatique ; après tout, à l’aube des années 1980, Minitel était le nec plus ultra des technologies des communications et les enjeux environnementaux n’étaient pas autant d’actualité qu’aujourd’hui. L’auteur contourne cependant cet obstacle et le projet en trois tomes devrait pouvoir se raccrocher sans trop de mal à sa locomotive.

Jean-Marc Rochette assure la continuité graphique de l’ensemble. En quatre décennies, son dessin a changé, mais c'est pour le mieux. Les illustrations se montrent sensiblement moins réalistes, le trait un chouïa plus gras, les ombres sont suggérées par des hachures plutôt que par des grisés et, surtout, les images sont colorées, essentiellement dans des teintes d’ocre, de marron et d’orange. Graphiquement, c’est assez réussi. Un bémol, la couverture présentant un mastodonte de fer avec un champignon nucléaire à l’arrière-plan dévoile trop d’éléments.

Un regard noir sur une civilisation, sur les risques qu’elle encourt et sur les périls annoncés.

Moyenne des chroniqueurs
6.0