Ossi Ossi, une vie pour le football

P our la majorité du public, le nom d'Oskar « Ossi » Rhor (1912 – 1988) n'évoquera pas grand-chose. Par contre, chez les férus de l’histoire du football ou les spécialistes du RC Strasbourg, ce patronyme est synonyme d’un des plus grands attaquants d’avant-guerre. Extraordinaire joueur et buteur, Ossi est un pionnier de la Bundesliga (il a participé à la conquête du premier titre du Bayern de Munich) et des débuts du professionalisme en général. Exilé volontaire après la prise du pouvoir par les Nazis qui considéraient le ballon rond comme un sport étranger à bannir, il joua également en Suisse et en France. Rattrapé par les événements, il fût enrôlé de force dans la Wermacht et envoyé sur le front russe. Sorti indemne du conflit, il joua encore quelques années avant de prendre sa retraite des terrains et sombrer dans l’anonymat.

Biopic suivant les règles de l’art, Ossi retrace la première moitié de la vie de cet athlète largement oublié aujourd’hui. Dès sa plus jeune enfance, Oskar ne rêve que de football et rien d’autre. Repéré par les entraîneurs, il est rapidement recruté et entame une carrière fructueuse qui le mènera jusqu'en équipe nationale (quatre sélections, cinq buts). Puis, l’histoire avec un grand H vient mettre fin à ses ambitions. Certes, « transféré » à Zurich, Strasbourg et Sète, il réussira à s’imposer et gagnera des trophées, mais, globalement, il n’aura jamais pu exprimer tout son potentiel. Des millions de victimes n’ont pas eu la chance de sortir vivants de ces années noires, néanmoins, à sa manière et à son niveau, sa trajectoire permet de raconter un pan rarement visité de la société de l’époque.

Parfaitement documenté, Julian Voloj dresse un portrait très convaincant du microcosme sportif allemand et des conséquences peu connues du nazisme sur le championnat allemand. Il est soutenu dans sa tâche par l’approche très expressionniste de Marcin Podolec. Résultat, le mélange entre une chronologique méticuleuse et un style graphique relâché procure à l’album une atmosphère patinée sans être vieillotte. La surprenante mise en couleurs façon « crayons de coloriage » renforce encore ce côté suranné de la narration.

À la fois évocation d’un passé déjà lointain et récit poignant d’un homme qui croyait en son talent plus qu’à toutes autres considérations, Ossi est une lecture intéressante qui devrait rallier les hourras de tous les amateurs de beau jeu.

Moyenne des chroniqueurs
6.0