Dominos

T out est parti de la liste des « injustices » endurées par Léo et Mounia. Parents, amis, voisins, ce n’est pas les fâcheux qui manquent. Puis, en y regardant d’un peu plus près, c’est carrément tous les habitants du quartier qui ont fini par y figurer. De fil en aiguille, cet inventaire s’est transformée en un véritable livre : Dominos.

Abdel de Bruxelles et Théa Rojzman revisitent la société dans un récit choral cocasse et virevoltant. Telle une farandole, le scénario naît et se déplie autour des relations humaines et des incompréhensions continuelles entretenues par la myriade de personnages. Le fil dramatique très ténu fait la part belle aux nombreux protagonistes. Ceux-ci forment un tableau sévère, mais très amusant, mettant en scène les névroses du monde actuel. Des enfants-roi déçus du peu d’attention de la part des grands, une mère écrasée par les conseils de vie d'experts virtuels omniprésents, des policiers au bord du burn-out, des employés un peu trop (ou pas assez, c’est selon) à cheval sur les règlements, etc., les auteurs n’oublient personne et se font un malin plaisir à pointer les défauts et les incohérences de nos réactions dans le cadre du « vivre ensemble » de rigueur. Si le résultat pique un peu, il fait surtout souvent mouche, sans jamais être gratuit ou méchant. Évidemment, pays d’Astérix oblige, tout finit dans la bonne humeur autour d’un banquet (avec du taboulé en place de sanglier, mais c’est tout comme).

Moins jusqu’au-boutiste que Bienvenue à Boboland de Dupuy et Berbérian et moins poétique que Mercredi de Juan Berrio, Dominos se montre néanmoins totalement pertinent. Parfaitement ancré dans son époque, plus nuancé et complexe que pourrait suggérer ses dessins parfois inégaux, l’album est follement addictif et se referme avec le sourire aux lèvres.

Moyenne des chroniqueurs
6.0