Blake et Mortimer (Les Aventures de) Le Dernier Pharaon

V enant en aide à un ami, le professeur Mortimer se rend au palais de justice de Bruxelles pour enquêter sur un puissant rayonnement électromagnétique. Après avoir fracassé un mur, le phénomène s’amplifie. Devant la menace, le bâtiment est consigné dans une cage de Faraday, laquelle bloque la propagation des radiations, puis la ville est entièrement condamnée. Quelques années plus tard, les émissions perturbent le fonctionnement des appareils technologiques. C’en est assez, les principales instances politiques du monde décident alors de bombarder l’édifice. Craignant de lourdes conséquences, Francis Blake défie la hiérarchie militaire et incite son camarade à retourner en Belgique afin de poursuivre son enquête.

Le dernier pharaon a été écrit à six mains par le cinéaste Jaco Van Dormel, l’écrivain et dramaturge Thomas Gunzig ainsi que le bédéiste François Schuiten ; les deux premiers n’ayant que peu ou pas d’expérience dans le neuvième art. Le trio ne manque pas d’ambition. En quatre-vingt-cinq pages, il sera question d’ésotérisme, de politique, de terrorisme, d’environnement, de science-fiction, de fantastique, de monstres préhistoriques, de thérapies « nouvelâgeuses » et de complots millénaristes, sans oublier les nombreuses séquences oniriques qui ponctuent l’ensemble. Le résultat se révèle particulièrement laborieux et confus ; le lecteur a le tournis et il cherche en vain une ligne directrice digne de ce nom. Il a l’impression que les auteurs ont mis dans le scénario tout ce qui leur est passé par la tête, sans arriver à en extraire la substantifique moelle.

Depuis quarante ans, l’illustrateur des Cités obscures s’est imposé comme une des valeurs sûres de l’art séquentiel. Son coup de crayon demeure exceptionnel ; au fil des albums il a su faire des villes de véritables acteurs, chacune ayant sa personnalité propre. Mais cette fois, la magie n’est pas totalement au rendez-vous. Avec son habituel style hachuré, il présente Bruxelles de jolie façon et il est agréable de voir la métropole toujours belle, dût-elle tomber en ruines. L’artiste apparaît tout de même moyennement inspiré par les personnages de Jacobs ; souvent statiques, ils ne semblent pas trop comprendre dans quelle histoire ils se sont embarqués. Enfin, les couleurs de Laurent Durieux (également nouveau venu dans l’univers des cases et des bulles) sont très foncées et tendent à interférer avec le travail du dessinateur.

François Schuiten a déclaré qu’il en avait fini avec la bande dessinée. Il a par la suite indiqué qu’il pourrait changer d’idée. Il faut le souhaiter, car avec ce livre, sa carrière se terminerait sur une triste note.