Les entrailles de New York

« Un jour j'irai à New York avec toi
Toutes les nuits déconner
Et voir aucun film en entier, ça va d'soi
Avoir la vie partagée, tailladée
Bercés par le ronron de l'air conditionné
Dormir dans un hôtel délatté
Traîner du côté gay et voir leurs corps se serrer
Voir leurs cœurs se vider et saigner
 »

Native de Californie, Julia Wertz a toujours été fascinée par l’aura mythique entourant New York. Elle s’y est logiquement établie et a pu y vivre complètement sa passion. Illustratrice curieuse de tout, elle a passé dix ans à sillonner et à inlassablement crobarder sa Big Apple. De ses déambulations, elle a tiré de nombreux articles mêlant grandes et petites histoires de la ville. Pour ce faire, elle a dû prendre son temps afin d’appréhender cette fourmilière qui ne dort jamais. En effet, la ville est pressée et se réinvente constamment. Conséquemment, il est difficile, voire impossible, d’en comprendre les ressorts primordiaux. Heureusement, le passé est tellement vite oublié que des fragments architecturaux incongrus arrivent parfois à survivre sans que personne ne les remarque. Patiente et chanceuse, l’autrice a su dénicher ces trésors cachés et les met en scène avec une gourmandise contagieuse et un amour véritable.

Plus encyclopédie anarchique que guide de voyage stricto sensu, Les entrailles de New York rassemble le fruit de cette décennie de ballades. Un des points forts de l’ouvrage se trouve dans les nombreuses comparaisons thématiques entre aujourd’hui et hier. Wertz a posé côte-à-côte des vues (même endroit, même angle de vue) datant de la belle époque (redessinées par ses soins à partir de photographies) et des compositions actuelles de son cru. Le talent et la précision de la dessinatrice rendent ce jeu des sept erreurs passionnant à déchiffrer. Si, les magasins et les officines changent et quelques immeubles apparaissent ou disparaissent, l’énergie de Manhattan, du Bronx et de Brooklyn reste immuable. Dans d’autres pages, elle présente différentes façades de commerce (le chapitre sur les librairies indépendantes est tout bonnement formidable) ou met de l’avant quelques détails invisibles, mais révélateurs des mutations qui traversent à tout instant la mégalopole. Le tout est ponctué de rappels historiques et d’innombrables anecdotes savoureuses.

D’une richesse insoupçonnée, virevoltant d’un sujet à l’autre sans logique apparente, Les entrailles de New York est une lecture indispensable pour tous les voyageurs curieux sur le départ vers les Amériques.

Moyenne des chroniqueurs
7.0