La honte et l'oubli 1. Le désastre

F in du XIXe siècle, Félix part faire son service militaire aux Philippines, là où son frère l’a précédé d’une année. Le climat est tendu et l’occupant hispanique y affronte les forces indépendantistes. Les Espagnols qui croyaient en avoir plein les bras avec les agitateurs locaux ne perdent rien pour attendre alors que les Américains attaquent ; pis encore, ils pactisent avec les révolutionnaires. C’est en ces temps troubles que le conscrit se met au service de sa patrie. Le jeune homme a le cœur pur et se porte à la défense de la veuve et de l’orphelin, ce qui lui vaut l’animosité de certains de ses compatriotes, notamment celle de Ponzoña, un être abject et mal dégrossi.

Dans La honte et l'oubli, Gregorio Muro Harriet aspire à expliquer un conflit peu connu, tout en racontant la vie d’un appelé, ses amours, ses amitiés et ses rivalités. Les intervenants se multiplient, leurs motivations sont parfois confuses et le récit devient rapidement alambiqué. Les lettres que le soldat écrit à sa famille marquent toutefois des pauses bienvenues ; d’abord, elles cassent le rythme de l’histoire qui se présente comme une succession de bagarres et d’explosions, mais surtout, elles font le point sur les événements.

Les illustrations d’Alex Maccho sont soignées et ses cases chargées de détails. Ses scènes de combats, particulièrement celles en mer, se révèlent spectaculaires. Les personnages sont également bien exécutés, même si le jeu de certains comédiens gagnerait à démontrer un peu plus de subtilité. Leurs expressions ont en effet tendance être exagérées. Les acteurs étant nombreux, le lecteur a par moments du mal à suivre le cours de la narration, se demandant si celui-ci n’est pas celui-là. Pour traduire l’esprit d’une saga essentiellement centrée sur l’action, l’artiste propose un découpage varié, lequel renforce le propos. Enfin, la colorisation de Garluk Aguirre est à souligner. Son souci de rendre avec justesse les ombres, les reflets et les nuances des couleurs contribue assurément à la qualité du projet.

Une chronique de guerre dense et complexe, sans doute un tantinet trop ambitieuse.

Moyenne des chroniqueurs
6.0