Un putain de salopard 1. Isabel

« Lui, jamais vu ! Mais l'autre, si c'est ton père, c'est un salopard... un putain de salopard ! »

Cette antienne grossière mais efficace donne le ton d'Isabel, premier tome d'Un putain de salopard. Une sortie qui représente un événement dans le microcosme de la bande dessinée. Deux auteurs de renom, une exposition des planches et pas mal de couverture médiatique, difficile, pour qui suit l'actualité du 9ème art, de passer à côté de la nouvelle série Rue de Sèvres.

S'inspirant de leurs souvenirs guyanais, Régis Loisel et Olivier Pont invitent le lecteur à suivre les traces d'un jeune homme à la recherche de son paternel. Après un début aux allures de comédie aux accents hippies portée par un trio féminin, la trame mute et bascule dans l'action. Dans la jungle d'Amérique du Sud, les dangers ne tardent pas à apparaître, habillement développés en deux lignes narratives. D'un côté, la quête d'identité de Max, qui place sur sa route des personnages peu recommandables et rappelle que dans la jungle équatoriale, c'est la loi du plus fort qui règne. De l'autre, Christelle et Charlotte, qui en même temps qu'elles commencent leur pige dans le dispensaire prennent la mesure des règles de vie dans ce coin loin de tout.

Avec à propos, le graphisme installe un cadre dépaysant, tant par les décors luxuriants et colorés que par les teintes chaudes et nuancées de François Lapierre. Elles mettent en valeur l'encrage du trait vif et expressif d'Olivier Pont. Très régulier tout au long des quatre-vingt-quatre planches, son dessin fait mouche. Ses cases, axées sur une cinématique parfaite qui rend vivante chaque séquence, sont d'une belle lisibilité. La généreuse pagination permet à Régis Loisel de développer les personnages, tantôt par le biais d'anecdotes, tantôt en détaillant leur passé, et d'en étoffer la psychologie. Percutants et fluides - même avec une muette ! -, les dialogues ajoutent à la sympathie qui se dégagent des protagonistes, faisant pardonner quelques scènes à la vraisemblance moins évidente. Après le tournant dramatique, la dynamique du récit accélère à mesure qu'ils avancent dans leurs expéditions respectives. D'abord lent, le rythme, comme la tension, iront crescendo et ne laisseront aucun répit jusqu'à l'ultime page et l'intrigante touche de fantastique conclusive.

Isabel débute cette nouvelle série sous les meilleures auspices. De l'aventure, du danger, de l'exotisme et tout le savoir-faire d'un duo d'auteurs au talent indéniable.