Phare Ouest : L'ultime épopée des Terre-Neuvas Phare Ouest

F rançois Chapot est un authentique Breton. Fils de terre-neuvas, il a lui aussi longuement navigué. La vie a cependant aigri l’aventurier. Sa femme l'a laissé… pour un Normand, rien de moins. Puis son rejeton habite dans le sud ; il a même baptisé son garçon Pèir, en hommage aux racines occitanes de son épouse. Un peu ivrogne, François balade son sale caractère, particulièrement quand il y a de la visite. Il a tout de même su développer une relation avec son petit-fils auquel il a offert un carnet dans lequel il a consigné les notes prises lors d’un tour de Bretagne à mobylette dans les années 1960. Aujourd’hui âgé de 17 ans, l’héritier souhaite répéter l’aventure, avec son grand-père. Les choses ont néanmoins changé ; la route jadis bucolique est devenue une autoroute, le bar de la marine est remplacé par un McFlink et l’endroit où l'aïeul avait planté sa tente accueille maintenant une vaste surface asphaltée. Enfin, et surtout, les anecdotes racontées cent fois par le baroudeur ont du mal à se raccrocher à la réalité.

Dans Phare ouest, Philippe Charlot signe une chronique familiale tout en tendresse, racontant l’histoire d’un adolescent rêveur qui s’entend mieux avec papi le fantaisiste qu’avec son père le banquier devenu trop sage. Bien qu’un demi-siècle les sépare, les deux lascars entreprennent sensiblement le même rite initiatique. Le plus jeune y gagnera de l’autonomie, de l’expérience et de la maturité. Idem pour le patriarche qui s’est toujours conduit comme un gamin irresponsable. Le schéma demeure classique : un duo plus ou moins bien assorti, une rupture, suivie d'une réconciliation, le tout servi avec un soupçon d’humour et beaucoup de bienveillance. Et ça marche.

Le dessin semi-réaliste de Stéphane Heurteau colle avec justesse au propos. Ses illustrations se révèlent généralement assez lisses et le trait net. Certaines pages se démarquent, notamment la représentation d’une tempête en mer et celle d’un ankou, tracés de coups de crayon très volontaires. Les couleurs, souvent dans des teintes pastel, manquent parfois de mordant. Enfin, l'artiste sait comment composer une planche et la mettre au service de la narration.

Véritables huis clos dans les grands espaces, les voyages constituent un terreau fertile pour les conflits latents qui attendent leur heure pour s’exprimer. En cela, le projet n’est pas sans rappeler Les beaux étés de Zidrou et Jordi Lafebre.

Moyenne des chroniqueurs
6.0