Petit Pierre : la mécanique des rêves 1. Petit Pierre : la mécanique des…

A ffligé à la naissance du syndrome de Treacher Collins, sourd et quasi-muet, Pierre Avezard, dit Petit Pierre, (1909 – 1992) ne partait pas avec les meilleures cartes en main. Peu scolarisé du fait de ses handicaps, il est rapidement placé dans des fermes comme garçon vacher, puis homme à tout faire. De bonne nature et entouré par une famille aimante, il réussit cependant à mener une existence paisible. Évidemment enfermé dans son monde intérieur, il développe une curiosité pour la mécanique et s’amuse à bricoler des jouets et des automates. Cette passion innocente se mue en un projet de vie et, entre 1937 et 1985, il crée un gigantesque manège fantastique qui finit par attirer les touristes de passage. Au début des années soixante-dix, Jean Dubuffet et Alain Bourbonnet théorisent l’art brut comme étant le travail créatif d’hommes et de femmes sans grand bagage culturel ou volonté artistique consciente. Partageant le même anonymat que le Facteur Cheval ou Picassiette, Petit Pierre était donc artiste dès le départ ! Miraculeusement préservé, son Manège est encore visible aujourd’hui à la Fabuloserie, le Musée d’art hors-les-normes.

Biographie appliquée, Petit Pierre – La mécanique des rêves retrace la trajectoire de ce ravi à l’univers fourmillant. À l’image de son sujet central, Florence Lebonvallet se limite à raconter simplement l’individu et élargit à peine son propos au moment où des érudits en quête de pureté créatrice primordiale se penchent sur les constructions naïves du protagoniste principal. Dotée de peu ou pas d’analyse ou de réelle mise en contexte (le mini-dossier en fin d’ouvrage s’avère particulièrement frustrant), la lecture est néanmoins agréable, mais reste purement informative.

Aux pinceaux, Daniel Casanave a également choisi de garder les pieds sur terre et anime sagement les figures articulées conçues par ce bricoleur de génie. La mise en page est à l’unisson de cette ambiance posée et toute paysanne. Sans entrer dans les comparaisons hypothétiques, le lecteur ne peut s’empêcher d’imaginer ce qu’aurait pu donner cette même histoire racontée par Fred. À noter, les belles et très bien dosées couleurs de Claire Champion accompagnent agréablement les pages donnant volume au trait sans nullement l’écraser ou l’étouffer.

Au final, quelque chose semble manquer. Du rêve ou un soupçon d’espièglerie auraient certainement apporté un supplément d’âme à la narration. Heureusement, la personnalité attachante du héros se montre suffisamment forte pour porter un album somme toute sympathique et rempli d’une certaine grâce.

Moyenne des chroniqueurs
6.0