Maïdan Love 1. Olena

B ogdan a décidé d'intégrer la police anti-émeute du pays pour avoir un salaire suffisant et assumer les frais quand sa copine Olena, ira à la faculté. Tandis qu'il fait ses classes pour devenir Berkout, les manifestations pro-Europe se multiplient et la situation a Kiev se dégrade. Pas le temps de terminer, lui et ses jeunes collègues sont mobiliser pour maintenir l'ordre sur la place Maïdan !

Aurélien Ducoudray a beau avoir changé de vie il y a longtemps, son vécu de journaliste reprend facilement le dessus. Clichés de Bosnie, Amère Russie ou encore Camp Poutine, autant de titres qui traitent de l'actualité et/ou d'une région pas si éloignées. Avec Maïdan Love, c'est le duo des Chiens de Pripyat qui se reforme pour revenir sur les événements de février 2014 en Ukraine.

Pour traiter de cette révolution - qui au mieux n'a pas eu un écho retentissant dans nos contrées, au pire a été simplifiée à outrance - il choisit le chassé-croisé amoureux entre une étudiante sciences politiques engagée, et un futur policier anti-émeute. Le scénariste utilise ses personnages comme des prismes de la société qu'il dépeint pour mieux en évoquer tous les courants et les idéologies qui s'entrecroisent au moment des faits. Romancée, son intrigue prend les traits d'une fiction historique prenante dans laquelle la relation entre les deux jeunes gens sert de fil rouge. Dans les pas du jeune homme, le lecteur découvre ces différents regards sur les manifestations qui embrasent la capitale ukrainienne et les réactions du peuple. Qu'ils soient à la retraite ou actifs, nostalgiques de l'U.R.S.S. ou progressistes, pacifistes ou armés, les protagonistes vivent tous de l'intérieur des événements qui vont modifier leur pays.

Menée tambour battant, l'essentiel de l'action se déroule en une nuit et rappelle par la même les récits où tout s'enchaîne sans que rien ne se passe comme prévu (difficile de ne pas penser à After Hours de Scorcese ou au récent Bouts d'ficelles d'Olivier Pont). Grâce à un savant découpage, Christophe Alliel imprime un rythme échevelé à cette cavalcade. Généreux dans son dessin, avec une quantité importante de personnages et de détails lors des scènes sur la célèbre place, l'artiste opte pour un trait légèrement caricatural. Ce choix, passé l'étonnement des premières cases, se montre judicieux ; il crée la distance nécessaire pour aborder cette période sans lourdeur ni emphase. Bien aidé dans sa tâche par les aplats d'Albertine Raleneti, l'artiste restitue avec efficacité l'ébullition et l'ambiance « cocotte minute » qui embrasent la ville. Le lecteur se retrouve plongé dans un tourbillon qu'il subit autant que Bogdan. Ensemble, ils se retrouvent emportés par les événements mais jamais noyés, l'aide de certains seconds rôles d'une part, l'humour et les belles pleines pages d'autre part offrant ce qu'il faut de respirations. Et malgré certains rebondissements qui tombent à pic, le thriller fonctionne et happe tout au long des cinquante-deux planches.

Prenant, drôle et bien mené, Olena remplit son office ; divertir tout en offrant une vision juste d'un conflit récent. Reste aux auteurs à maintenir le niveau lors du second acte pour conclure cette plongée au cœur d'une révolution populaire et politique qui a marqué durablement l'Ukraine et continue encore aujourd'hui d'avoir des conséquences.

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Moyenne des chroniqueurs
6.0