Hollywood menteur

J uillet 1960, Reno Nevada. John Huston réalise The Misfits sur un scénario d’Henry Miller. Marilyn Monroe, Clark Gable, Montgomery Clift, la production rassemble la crème de la crème. Sur le plateau, la situation est néanmoins tendue, voire délétère. Trop d’égos, de peur, d’alcool et de stupéfiants, le cynique star-business qui a fait la fortune et la gloire d’Hollywood est train de se désintégrer. Ce n’est pas un film, ce sont des funérailles, mais personne ne l’a encore compris. Silence, on tourne.

Vrais-faux reportage sur un film-obsession de l’auteur, Hollywood menteur raconte sans fard et avec une énergie que seul le désespoir peut inspirer ce moment-pivot du Septième Art. Entre fantasmes et morceaux de bravoure documentés, Luz retrace fiévreusement une entreprise frappée par la fatalité. Clark Gable mourra dix jours après la fin du tournage, Marilyn – en pleine rupture avec Miller – tirera sa révérence en 1962, Montgomery Clift disparaissant peu de temps après. Ce sont des âmes troublées, marquées par un métier sans pitié, particulièrement envers les plus faibles. Malgré les retards et les dépassements de budget, le film se fera néanmoins. Ce sera un échec au box-office avant de devenir un classique.

Pour raconter cette aventure toute américaine, Luz a lorgné vers Will Eisner et offre un récit glaçant et ultra-expressif. Toutes les émotions et les déchirements sont montrés frontalement. Découpage ouvert, approche globale quand les coups de pinceaux s’étalent librement sur toute la largeur des planches, le résultat est impressionnant d’acuité et d’autorité. Le dessinateur est là pour montrer les blessures et il fait crier l’encre sans aucune retenue ou seconde pensée.

Le système et les abus des grands studios ont depuis été largement décrits et dénoncés. Plus que cette industrie en général, l’album se concentre et dépeint avec aplomb les souffrances et les mensonges imposés à ses artisans. Ed Brubaker et Sean Phillips avaient choisi le thriller dans Fondu au noir, Tommy Redolfi la biographie ré-imaginée dans Holy Wood. De son côté, Luz fait ce qu’il sait faire le mieux – le docu-BD décalé - pour narrer à sa façon cette histoire.

Lecture-choc et prenante, Hollywood menteur n’apporte rien de vraiment nouveau sur le sujet, mais possède une réelle force d’évocation prône à réunir les suffrages des aficionados des salles obscures.

Moyenne des chroniqueurs
7.0