P.T.S.D.

Post Traumatic Syndrome Disorder - état de stress post traumatique en français.
Jun en est victime après avoir servi sous les couleurs de son pays et son retour au bercail s'avère... compliqué.

Sorti fin février 2019 chez First Second Books, le premier titre en tant qu'auteur complet de Guillaume Singelin est arrivé quelques jours après dans sa version française chez Ankama. Dire que cet album était attendu tant le dessinateur de The Grocery s'était fait remarquer avec la série scénarisée par Aurélien Ducoudray et la sollicitation de l'éditeur américain est un euphémisme.

Comme il l'explique lui-même en postface du livre, l'artiste a très tôt été intéressé par ce trouble sévère, PTSD/ESPT, et eu envie de traiter le sujet sous un angle différent de ce que le public a l'habitude de voir. Situant son récit dans un monde contemporain, au centre d'une sorte de Tokyo fantasmée (ville dans laquelle il a vécu), il reste flou et sur la localisation et sur le conflit auquel son héroïne, Jun, a participé. Se détacher d'une réalité historique pour mieux s'attacher aux émotions, voilà l'objectif, totalement atteint. Le lecteur est plongé au plus près de ce vétéran pour qui le retour à une vie normale apparaît impossible. Laissée pour compte par les autorités, comme tant d'anciens soldats, elle survit dans la rue. Fuyant le regard des autres, leur pitié et leur compassion, elle se pense en dehors d'une société pour laquelle elle a combattu et commis le pire mais qui ne semble pas vouloir d'elle. Mais au lieu d'en faire une simple victime, l'auteur expose aussi son refus de se (ré)intégrer, plus préoccupée par son addiction aux antidouleurs et autres anxiolytiques faisant la fortune de dealers peu scrupuleux.

Guillaume Singelin ne s'attache pas à rendre son héroïne sympathique, il la décrit comme brutale, égoïste et méfiante, ce qui rend de prime abord difficile une quelconque empathie, encore plus l'identification. Dévoilé par petites touches, le sombre traumatisme qu'elle a vécu contraste avec les rues colorées qui servent de théâtre à ses divagations. Sa solitude, subie comme voulue, fait écho à la densité des lieux qu'elle arpente. Avec une véritable générosité graphique, l'auteur crée un décalage saisissant qui fait d'autant plus ressortir l'individualisme et le repli sur elle-même de Jun face à ce qui l'entoure. De même, et c'est peut-être ce qui surprendra le plus les lecteurs en quête d'action ou de suspens, l'intrigue n'a rien d'épique ou de romanesque. S'appuyant sur un découpage qui reflète les influences des autres média visuels, il imprime un rythme lent et offre des pauses bienvenues dans cette errance, par de splendides pleines pages. Une narration loin des canons du genre, mais indispensable au cheminement des protagonistes.

Le point de basculement se situe dans la rencontre avec Léona. Altruiste et dénuée de préjugés, ce personnage est l'antithèse parfaite de l'ancien soldat. Maman célibataire tournée vers les autres, elle se heurte d'emblée au refus de communiquer de Jun. Mais, à force d'obstination, elle parviendra à franchir la barrière protectrice que cette dernière a dressée. Non pas seule mais grâce à deux autres protagonistes à la symbolique forte. Bao, l'enfant, innocent et dénué d'a priori, et Red, le chien, médiateur vers l'ouverture aux autres. La zoothérapie est en effet un des thèmes abordés et, la proximité de l'animal permet à Jun de s'apaiser, se resociabiliser et faire ainsi un premier pas vers la guérison. Car si une morale doit être retenue de cette histoire, ce pourrait être qu'avant de parvenir à avancer, Jun doit se faire confiance à nouveau, pour s'ouvrir et accepter les mains tendues et enfin démarrer une nouvelle vie.

Premier essai concluant, même s'il n'est pas exempt de quelques menus défauts, P.T.S.D. marque une étape importante dans la carrière d'un jeune auteur au talent indéniable. Des crayons et désormais une plume à suivre de près.

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Moyenne des chroniqueurs
7.3