Les brûlures

D ans cette station balnéaire, faire le trottoir peut coûter cher, y compris pour une prostituée puisque les corps de deux d'entre elles viennent d'être retrouvés atrocement mutilés. Le dossier atterrit sur les bureaux de Light et Nutella, deux inspecteurs aux caractères et aux méthodes bien différentes. Les indices ne courent pas les rues et la sale sensation que la série ne fait que commencer est grande. Si la motivation n'est pas l'une de leurs premières qualités, le duo voudrait néanmoins essayer de comprendre.

Une enquête peut en cacher une autre. C'est le cas dans ce récit complet au sein duquel l'auteur laisse ses personnages se dénuder, affichant tour à tour, leurs forces et leurs faiblesses. Après L'Adoption et Merci, Zidrou bouscule l'archétype du polar. Son scénario s'attache dans un premier temps à donner la priorité dans l'identification du ou des auteurs de crimes sordides. Pour cela, il met en scène deux acteurs anticonformistes et assez proches de la réalité, parce qu'à contrario de la plupart des héros des nombreuses fictions cinématographiques ou du petit écran, ceux-là sont bien loin de pouvoir maîtriser tous les paramètres. À cela, il juxtapose une histoire dramatique sous la forme d'une investigation plus personnelle autour d'une mystérieuse femme qui va venir bouleverser le quotidien de l'un de ses enquêteurs et qui se révélera être aussi captivante que la première. L'amour, la compassion, la complexité des relations humaines et la corruption sont les principaux sentiments suggérés ou évoqués, habilement abordés et développés dans ces tranches qui vont de vie à trépas.

Singulier et abstrait, le graphisme de Laurent Bonneau (Ceux qui me restent, On sème la folie) est déroutant. Tantôt joli en s'étalant sur des planches entières, il perd parfois de son efficacité et de son attrait sur certaines cases qui rendent des actions ou des décors équivoques voire confus. À ce sujet, le lecteur aura besoin de toute son attention pour tenter de décrypter le message du dessinateur. Malgré ceci, l'œil réussit à prendre son pied, bien aidé par des couleurs qui concordent avec l'ambiance sombre des sujets. Le feuilletage demeure donc plaisant grâce, également, à une narration qui va à l'essentiel, des conversations concises et nourries de propos pertinents.

Sans réussir à mettre le feu, Les Brûlures parvient toutefois à attiser l'intérêt et maintenir la flamme allumée jusqu'à la dernière page.

Moyenne des chroniqueurs
6.0