Milady ou le Mystère des Mousquetaires

L e souvenir de cette terrible journée de 1615 dans la sombre forêt a laissé une trace brulante sur son cou, même après dix ans. Anne de Breuil a choisi de se battre à sa manière contre ces hommes qui l'ont abusée et s'en sont servi comme d'un jouet de plaisir. Mais à cet instant, sous de nom de Lady de Winter, sa mission pour le compte de Richelieu prime : elle consiste à subtiliser deux ferrets au Duc de Buckingham afin de prouver sa relation interdite avec sa maitresse, Anne d'Autriche. Qui manipule qui ? Dans ce jeu de dupes, chaque coup compte.

Et si le vrai héros du roman d'Alexandre Dumas Les trois Mousquetaires était une héroïne ? C'est ce que cherche à démontrer Sylvain Venayre (L'île au trésor) dans cette relecture d'un classique du genre de cape et d'épées.

Pour celui qui ne connait pas les acteurs et la trame de l'œuvre d'origine, il sera difficile de comprendre l'intérêt de la démarche car ce récit pourrait se suffire à lui-même et se lire comme une histoire mâtinée de complots, de trahisons et de drame. Néanmoins, comme l'explique fort bien l'auteur en début et fin d'ouvrage, celle-ci est tout autre : redonner à cette espionne énigmatique la juste place de son rôle, de secondaire à principal, afin de la sortir de l'ombre pour la mettre en lumière. Le lecteur ne retrouvera certes pas l'esprit d'aventure mouvementé mais plutôt une chronique dans laquelle se croisent les personnalités masculines connues (d'Artagnan et ses pairs, John Felton, Lord de Winter...) et l'influence qu'à eu chacune d'elles sur le destin et les agissements de la belle solitaire. Le changement de perspective remet en question la vision populaire des gentilshommes qui en prennent pour leur grade. Néanmoins, Il eut été intéressant de suivre jusqu'au bout la vie de cette femme fatale... qui ne l'est tant que ça au vu de cette lecture.

Le style graphique de Frédéric Bihel (L'or, Afrika Dream) se marie agréablement au genre historique. S'approchant de Béatrice Tillier ou de Jérémy pour le réalisme, il s'en démarque cependant par un trait plus enlevé et moins léché, s'apparentant au crayonné. Il s'épanouit de belle manière dans les expressions des protagonistes, sans pour autant négliger les décors et les costumes, le tout dans les tons sépia. Pas de dégradé, mais un travail sur les hachures qui accordent matière et relief à l'ensemble.

Démarche tout à fait honorable que de redonner une légitimité à une figure qui reste entourée de mystère et traitée en mode mineur. Malgré un rythme un peu plat, ce one-shot se lit avec intérêt.

à lire pour prolonger la découverte de ce personnage .

Moyenne des chroniqueurs
6.0