Le spécimen Le Spécimen

Q uelque part en Sibérie, dans le désert de Ryn, s’élève le centre Rynpeski. Le groupe industriel Becker Pharmaceuticals, à la solde du gouvernement russe, y accueille les condamnés à mort et programme leur exécution. Juste avant celle-ci, des médecins prélèvent une glande dans leur cerveau, à de sombres fins commerciales. Irina Danko fait partie de l’équipe. Jeune chercheuse brillante, séduisante et célibataire, elle cache dans ce coin perdu du monde un secret qui lui a barré la route d’une carrière prestigieuse. Chaque nuit, des cauchemars violents et inquiétants troublent son sommeil : en Europe centrale, en 1880, une femme se désintègre à son contact ; en 1840, à Paris, elle est sauvée d’une agression par un troufion ; à Berlin, en 1928, une partie de strip poker sordide s’achève par une émasculation.

Au cours d’une mise à mort de routine, survient une coupure d’électricité. Lorsque tout rentre dans l’ordre, quelques minutes plus tard, Japarov, un des pires criminels de Russie, a disparu. À sa place gît un inconnu, apparemment mort, les yeux vides, sans pupilles. Au bout de quelques jours, l’homme, qui se fait appeler Joe, s’éveille et ne veut parler qu’à Irina. Commence alors un long face à face, aux circonvolutions retorses, qui laissera bien des questions sans réponse.

Adapté d’un scénario de Walter Hill (48 heures, Alien – Le huitième passager) par Matz (Le Tueur, Du Plomb dans la tête) Le Spécimen se fraye un chemin entre thriller scientifique, éléments surnaturels et thèmes propres à la Science-Fiction. À partir d’une joute entre deux personnages complexes, ayant chacun une part d’ombre envahissante, le récit s'appuie sur l’exploration de la psyché tourmentée d’Irina, qui accumulera des révélations qu’elle aurait volontiers laissées enfouies.

Julien Ribas (4 tomes de Remington, Kerubim) accompagne cette histoire tortueuse de son trait et de sa mise en couleur qui doivent tout aux comics. Le dessin est dépouillé (peu de décors, guère de nuances dans la colorisation) mais soutient parfaitement les dialogues incisifs de Matz. Les aérations graphiques induites par les rêves d’Irina évitent le risque de monotonie visuelle liée au huis clos. Ce sont d’ailleurs dans ces passages, empreints d’onirisme ou d’étrangeté, que le dessinateur s’exprime avec le plus de force et d’originalité.

Le Spécimen est un one shot solide, que l’on ne prendra pas en défaut, à condition de se laisser aller à son rythme changeant (lenteur du duel Irina/Joe et accélération du dénouement) et d’accepter le principe de la fin ouverte.

Moyenne des chroniqueurs
6.0