Le corps collectif

« Arriver à mettre sur du papier le plus possible de la vie qui est là, devant mes yeux.»

Edmond Baudoin est fasciné par le corps (surtout celui des dames) et sa représentation. La relation entre le peintre et son modèle est d’ailleurs une thématique récurrente dans ses travaux (Le Portrait, L’arléri). Tout au long de sa vaste œuvre, il a également cherché à dépeindre le mouvement des individus, souvent lorsqu’ils font l’amour, à quelques occasions lorsqu’ils interprètent une chorégraphie (La mort du peintre). Dans Le corps collectif, le bédéiste poursuit cette exploration en assistant aux répétitions et aux prestations d’une troupe de danseurs.

Son ouvrage a l’allure d’un carnet de croquis émaillés de commentaires. Il n’y a pas de véritable récit ou de fil conducteur ; les dialogues se révèlent rares, mais les émotions sont toujours vives. Il ne s’agit pas vraiment d’un documentaire, même si le projet, qui s’étend sur sept années, s’y apparente. Au-delà des femmes et des hommes qui apprivoisent et domptent leurs muscles et leurs articulations, le propos est essentiellement celui de la quête d’un artiste. Un créateur, armé d’un pinceau et d’un pot d’encre, pour incarner l’ivresse émanant du ballet.

Alors que Pablo Picasso prétendait révéler son modèle en le présentant simultanément de tous les points de vue, le lecteur a l’impression que le bédéiste tente de capter toutes les déclinaisons du geste dans une seule composition. Le résultat se montre parfois troublant, par moment un peu brouillon, néanmoins séduisant. Car il faut le dire, l’auteur des Sentiers cimentés est un très grand dessinateur. Sa démarche demeure singulière ; l’aficionado subodore que, dans une forme d’empressement, il escamote les étapes du découpage et du crayonné pour passer directement au produit final, saisissant ainsi un instant fugace avant qu’il ne s’évanouisse complètement.

Edmond Baudoin dessine plus vite que son ombre. Ses livres ne sont pas tous achevés, mais il se dégage quelque chose de chacun. Une énergie brute qui pourrait se rapprocher de celle de Manu Larcenet (Blast et Le rapport de Brodeck) ou de Gippi.

Moyenne des chroniqueurs
7.0