Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin

S i l'Histoire a retenu Rosa Parks, quel a été le quotidien de celles et ceux qui, jour après jour, ont également combattu la ségrégation et défendu l'égalité et leurs droits ? Claudette Colvin fait partie de ces anonymes oubliés de la mémoire collective. Avec ce titre, Émilie Plateau rend hommage à cette adolescente (presque) comme les autres.

En choisissant d'adapter le roman de Tania de Montaigne, prix Simone Weil 2015, l'autrice s'attaque à un sujet fort. Son trait naïf, si caractéristique, sert de parfait écho à la nature même de son héroïne. Fille-mère de quinze ans, issue d'une famille pauvre, elle ose se dresser contre la loi en vigueur dans cette Cotton Belt, sans se soucier des risques encourus. À travers son parcours, c'est toute la mentalité de l'époque qui est pointée. Les différences de traitement, la séparation sur le critère de la couleur de peau dans toutes les composantes de la société (écoles, transports, hôpitaux, etc.) mais également entre adultes et enfants, entre hommes et femmes. Ainsi, l'appropriation patriarcale de la contestation menée, aussi et surtout, par la gent féminine est mise en lumière. Et son statut comme son image moins lisse que ses émules, expliquent le peu d'égard que son cas a suscité au sein même de sa communauté.

Alors qu'elle ne s'éloigne guère du texte original, la créatrice de Moi non plus fait preuve de sobriété dans sa narration. Des textes essentiellement hors case, un découpage dépouillé, des décors minimalistes et le choix d'une trichromie sobre (noire, blanc, marron) voilà pour la forme. Ce parti pris laisse toutes leurs places aux actes d'injustice qui se déroulent sous les yeux du lecteur et aux rôles des figures d'un mouvement qui marqua les années 50 aux États-Unis. Une certaine retenue qui, paradoxalement, renforce la puissance du propos et son universalité.

Sans fard ni effet de manche, Émilie Plateau livre une adaptation réussie d'un texte dont le but est de rappeler qu'un mouvement ne naît pas spontanément et ne tient pas sur les épaules d'un seul. Mais bien par le courage et la force d'anonymes qui vivent l'injustice au quotidien.

Moyenne des chroniqueurs
6.0