Jheronimus & Bosch

L e 13 mars 1508 marque la date du trépas de Jheronimus. Un flacon de trop ? Une chute malheureuse ? Il se retrouve devant les portes de l’enfer, un canard à roulettes en bois en guise de compagnon pour affronter son ultime voyage. Une vie de débauche l’ayant condamné au tourment éternel, il a tout son temps pour découvrir la nature taquine de Satan et de ses sbires.

Après vingt-cinq ans de pause, Paul Kirchner était revenu à la BD d’auteur en 2015 avec un nouveau tome du Bus. Le virus était plus grave que prévu et Jheronimus & Bosch s’ajoute désormais à sa bibliographie. Prépubliée sur l’excellent site d’humour AdultSwim, cette série composée de gags en une planche reprend les ingrédients classiques du créateur de Dope Rider. Drôleries au premier degré, grincements de dents de deuxième ordre, méchancetés gratuites et humiliations continuelles, ainsi sont les limbes traversées par le personnage principal. Celles-ci doivent beaucoup aux gravures de Gustave Doré et aux peintures du vrai Jheronimus Bosch. Autant vous dire que le quidam passe vraiment un mauvais moment. Pour couronner le tout, Kirchner a associé à ces images d’Épinal une dose d’absurdité et de méchanceté très contemporaines. Le pire dans l’histoire ? Le résultat est hilarant. Ce festival d’inventivité s’avère jouissif à parcourir, passages scatologiques « à la Tebo » compris !

Graphiquement, le style du dessinateur s’est arrondi et profite d’un passage à la couleur sans défaut. D’une lisibilité extrême grâce à une ligne claire léchée, les planches n’en sont pas vides pour autant. Un peu à la manière d’un Jim Woodring, l’utilisation intensive de hachures donne volume et densité aux rives du Styx. Double chute et timing sans fausse note, le découpage se montre aussi à la hauteur et intègre astucieusement, pour ne pas dire malicieusement, d’innombrables trouvailles humoristiques. Vous ne verrez plus la torture de la même façon après avoir refermé cette ode décalée à la repentance forcée.

Impeccablement réalisé et constamment truffé de références et de clins d’œil, Jheronimus & Bosch est une franche réussite alliant esprit et « bon mauvais » goût. De plus, Tanibis l’a habillé avec générosité (reliure façon grimoire, papier et impression de qualité). En résumé, tout ce qu’il faut pour attendre agréablement la fin de l’éternité.

Moyenne des chroniqueurs
6.5